“J’avais presque oublié ce petit livre (publié en 1992, mais écrit en 1991) lorsque Thierry Paquot a eu la bonne idée de m’en demander une relecture critique. Bien que je n’aie guère travaillé sur la question depuis, j’ai volontiers accepté. En vingt ans, beaucoup de choses ont changé, susceptibles d’affecter l’informatisation des villes /1. L’affirmation de la décentralisation, l’évolution rapide des technologies informatiques ne sont pas les moindres. Surtout, vingt ans, c’est le temps du remplacement d’une génération par une autre. Le jeune informaticien “urbain” qui vient d’être embauché à Tours ou à Strasbourg sortait juste de l’école maternelle lorsque le livre est paru.” Gabriel Dupuy, professeur à l’université de Paris 1 - Panthéon-Sorbonne analyse et actualise un des premiers ouvrages en français sur ce que l’informatique apporte aux villes.
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G. Dupuy, L’Informatisation des villes, PUF, coll. “Que sais-je ?”, 1992.
Erving Goffman avait désigné sous le nom de bulles cette distance invisible présente dans toutes les situations d’interactions urbaines. Peter Sloterdijk a fait des bulles une des occurrences de sa sphérologie, de sa philosophie de la climatisation. Selon lui, tout le modernisme s’est construit contre l’idée même que “nous sommes à l’intérieur”, dans ces bulles, ces globes et ces écumes que sont nos mondes communs. Dominique Boullier /1, sociologue (Sciences Po, CEE, Médialab), lui, nomme ces lieux singuliers “habitèles”. Il nous explique pourquoi.
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Dominique Boullier, “Objets communicants, avez-vous donc une âme ? Enjeux anthropologiques”, Les Cahiers du Numérique, n° 3, vol. 4, 2002 ; “Objets portables en tous genres et prises sur le monde”, Consommation et société, n° 4, 2004. http://www.consommations-societes.net/ ; La Ville-Événement. Foules et publics urbains, PUF, 2010.
Où se trouve l’équilibre entre les illusions des villes numériques des uns et l’absence d’aire numérique dans de trop nombreux cabinets d’architectes-urbanistes ? Le tropisme du tout-connecté des premiers est souvent étranger aux autres praticiens. Sans doute est-ce autour de la généralisation de la notion des flux et de leurs régulations en système que s’explique cette différence. Par Bruno Marzloff, sociologue, directeur de l’observatoire de la mobilité Chronos (www.groupechronos.org).
Les systèmes d’affichage numérique et les ambient media se sont répandus dans l’espace public et l’ont incontestablement remodelé. Ils influent sur les caractéristiques des lieux et contribuent à leur nouvelle identité. Une question demeure cependant : qui crée et contrôle leur contenu ? Explications de Susanne Seitinger *, recueillies par Caroline de Francqueville.
* Elle vient de terminer sa thèse dans le Smart Cities Group au Media Lab du MIT, où elle explore maintenant l’impact des nouvelles technologies sur l’environnement urbain. Elle a accepté de nous en dire plus sur ses recherches et projets.
La question de la pénibilité du travail liée à l’écartèlement domicile-travail se pose en regard des injonctions de la préoccupation environnementale. Faut-il persister dans une logique d’inflation des déplacements ou bien chercher des solutions de substitution comme le travail à distance ? Les enjeux de localisation de ces lieux de vie doivent s’inscrire dans une perspective d’aménagement urbain et territorial en concertation avec les villes, les autorités publiques et les aménageurs. Patrick Anghert (Cisco *) répond aux questions de Bruno Marzloff.
* Acteur du numérique urbain, Cisco aborde la ville durable sous cinq parallaxes : la gestion des énergies (les smartgrid /1),
les régulations des infrastructures, les systèmes d’informations des transports, les immeubles intelligents et le travail à distance.
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Réseau de distribution d’électricité intelligent à base de technologies informatiques, qui optimise l’offre et la demande.
“Qu’est-ce qu’une génération ? Une façon de parler. Et tout ce qui va avec : façons d’agir, de penser, de vivre, de sentir. Des mots, des modes (modalités), des mondes. J’ai pris conscience de cela à propos du numérique il y a quelques années, lors d’une université d’été de la FING (Fédération Internet nouvelle génération) dans le sud de la France. Là se côtoyaient start-up, collectivités territoriales, hackers, businessmen de haut vol, journalistes, artistes, altermondialistes militants, chercheurs, philosophes.... Ça crépite, c’est joyeux, c’est international, du Larzac à San Francisco ! Une composition “hétérogène sans gêne” d’individus, d’origines, de métiers, de langages, et d’intérêts. Ce fut une sorte de révélation pour moi. La rencontre était plus excitante que les congrès interprofessionnels auxquels j’assiste parfois, plus vivace et ouverte que les colloques savants ou universitaires que j’apprécie pour leur qualité intellectuelle. Ce milieu étrange discute avec ardeur et produit son propre langage, son jargon très métissé. Chaque époque produit ses néologismes, reflets d’une culture – ça roule, ça gaze, disait-on au xxe siècle... Le langage porteur des nouveaux concepts dont nous avons besoin pour penser notre époque est désormais “truffé” de numérique. Confidences et analyses par Georges Amar, responsable de la Prospective à la RATP.
Les technologies de l’information et des télécommunications se manifestent de façon immatérielle, quasi imperceptible. Même si on leur applique un vocabulaire qui évoque des infrastructures massives et des objets solides (autoroute de l’information, portail, site, fenêtre, icône…), ces outils transforment considérablement et la morphologie des villes et des bâtiments et le quotidien des citadins. Il ne faut pas penser la ville à l’ère numérique comme un système mais comme une aire traversée par mille flux, dont les traces, plus ou moins pérennes, en dessinent les véritables contours. Suivons Nicolas Nova, consultant et chercheur (Lift Lab), et Fabien Girardin, chercheur et ingénieur (Lift Lab), dans l’exploration de ces villes invisibles…
Parti sur la piste du Grand Équipement pour l’utilisation des bases de données sur la ville, Stéphane Semichon, notre spécialiste de l’usage des technologies, a découvert un paysage complexe, une multitude de formats (d’échange), des contradictions entre ministères et des usagers perplexes…
Le PLU numérique de Rouen est en ligne sur :
Ceux des communes du Grand Lyon sur :
Les diaporamas des présentations du séminaire de l’Observation urbaine (édition 2010) sont en ligne sur :
http://www.observation-urbaine.certu.equipement.gouv.fr/
Le projet Réseau GEBD (Grand Equipement pour l’Utilisation des Bases de Données) et le projet Belgrand sont détaillés à l’adresse :
Pour en savoir plus sur Eugène Belgrand, fameux ingénieur et directeur des Eaux & Égouts de Paris à partir de 1867, sa vie, ses œuvres, son époque ainsi que sur la gestion de l’eau à Paris aujourd’hui, on peut consulter la documentation rassemblée à l’occasion de la célébration du bicentenaire de sa naissance par l’Ecole des Ponts Paris Tech le 14 octobre 2010 à :
Concernant les résultats des appels à commentaires lancés par le Conseil National de l’Information Géographique (CNIG) sur les « Prescriptions Nationales pour la dématérialisation des documents d’urbanisme » et le « Standard de données Plan local d’urbanisme » de la Commission de validation des données pour l’information spatialisée (Covadis), on se reportera à :
Les standards de l’Open Geospatial Consortium (OGC) sont explicités à l’attention du public francophone sur le site georezo.net et sur celui du forum français de l’OGC.
Sur ce dernier, on trouvera également les présentations, vidéo et démonstrations de la Journée Interopérabilité géospatiale du 24 septembre 2010 en suivant les liens qui figurent à la page :
http://www.forumogcfrance.org/
On pourra visiter par ailleurs les sites des deux laboratoires de recherche hexagonaux qui s’investissent dans ce champ : l’Institut de Recherche en Sciences et Techniques de la Ville (Nantes) :
et le Laboratoire des Sciences de l’Information et des Systèmes (Université de Provence) :
Côté Construction, les dernières actualités de l’interopérabilité sont toujours à chercher sur :
Quant au Référentiel général d’interopérabilité national, on le trouvera sur :
http://www.references.modernisation.gouv.fr/
Caroline de Francqueville, diplômée en urbanisme et études régionales (London School of Economics) et membre de l’équipe Chronos, tire les enseignements d’une suite d’entretiens menés en novembre 2010 à Boston et Cambridge, berceaux de l’Internet, auprès de treize spécialistes, beaucoup issus d’Harvard et du non moins prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT). De l’innovateur à l’homme politique en passant par le chercheur, le développeur, l’urbaniste, le journaliste, le designer ou l’entrepreneur, quelques visions de ces chefs de file de la réflexion sur le numérique urbain et ses usages.
Personnes interrogées à Boston
Je remercie l’ensemble de mes interlocuteurs de Boston et Cambridge pour la richesse de leurs réflexions, l’accueil et le temps qu’ils m’ont consacrés et les pistes de projets suggérées.
Christopher Dempsey, responsable de l’Innovation auprès du secrétaire aux Transports du Massachusetts de 2007 à 2009.
George Schneeloch, un des développeurs qui a contribué à l’initiative MassDOT dès ses débuts. L’application
qu’il a développée à partir des données du MBTA est la plus utilisée sur les téléphones mobiles Android.
Laurel Ruma, éditrice et “évangéliste du Gouvernement 2.0” (selon sa propre dénomination) pour O’Reilly Media.
Dominique Guinard, doctorant à l’université suisse ETH.
Clemens Raemy, jeune entrepreneur qui supervise le développement de la start-up Safer Taxi.
Joshua Thomas, designer professionnel, contribue à la création d’applications mobiles dont Excursion Boston.
Nick Grossman (http://nickgrossman.info/) dirige le département Civic Works (Affaires Civiles) de l’association OpenPlans.
Susanne Seitinger vient d’achever sa thèse dans le Groupe Smart Cities du Media Lab au MIT où elle effectue maintenant une recherche post-doctorale.
Katja Schechtner, responsable du département Système de transports dynamiques de l’Institut autrichien de technologie (AIT).
Nigel Jacob pilote auprès du maire de Boston l’initiative New Urban Mechanics (http://www.newurbanmechanics.org/).
Assaf Bidermann, co-directeur du SENSEable City Lab du MIT.
Jamie Ciocco, designer et programmateur, a fondé l’entreprise trendy.com spécialisée dans les médias en ligne.
Robert Goodspeed, doctorant dans le département Études urbaines et Aménagement du MIT.
Francisca Rojas poursuit ses recherches dans le cadre d’un post-doc à la Kennedy School of Government à Harvard où elle contribue à un projet partenarial sur la question de la transparence en politique.
Serions-nous dans l’âge III de la révolution informatique ? Si oui, que devient la ville physique, bâtie, matérielle ? Nick Roberts, professeur, Woodbury University (Burbank, Californie), expose les réponses de divers spécialistes de la Network Culture, qui s’émerveillent des prouesses technologiques sans pour autant occulter la résistance qui gronde chez plus d’un cybercitadin.
La réflexion sur les nouvelles formes et l’avenir des villes en lien avec le déploiement des TIC n’est pas, loin s’en faut, l’exclusivité des savants, experts et hommes politiques. La science-fiction, qui a anticipé cette transformation de la société, continue de l’accompagner en romans, films et autres œuvres prémonitoires. Emmanuel Eveno, professeur de géographie à l’université de Toulouse, nous guide dans ce genre littéraire et filmique.