Quand les jeunes élites s’engagent pour le climat
Marseille, France - September 20, 2019 : Young people demonstrate in the street for climate everywhere in the world

Au sein des diplômés des grandes écoles, dont certains piloteront demain la fabrique de la ville, émerge une « génération climat » qui refuse désormais de travailler pour des entreprises non respectueuses de l’environnement. Allant jusqu’à remettre en cause leur enseignement, mais aussi leur avenir, ces jeunes sont prêts à opérer un changement radical de carrière.

 

Il y a encore dix ou vingt ans, la plu­part des jeunes diplô­més des grandes écoles d’ingénieurs ou de com­merce se seraient lan­cés tête bais­sée dans une car­rière au sein de grands groupes inter­na­tio­naux, atti­rés par des salaires avan­ta­geux et des pers­pec­tives d’évolution constante. Aujourd’hui, cer­tains membres de ces jeunes élites, angois­sés par un futur envi­ron­ne­men­tal bien sombre, sont de plus en plus nom­breux à remettre en ques­tion – par­fois de façon radi­cale – leurs poten­tiels employeurs lorsqu’ils les consi­dèrent, au mieux, comme non enga­gés dans la tran­si­tion éco­lo­gique, au pire, comme res­pon­sables de la dégra­da­tion de l’environnement.

C’était le 23 novembre der­nier à Léonard:Paris. Lors du débat « Jeunes diplô­més, entre­prise et cli­mat : la révolte gronde-telle ? », orga­ni­sé par le Mana­ging Direc­tor Julien Vil­la­longue, étu­diants et diri­geants de grandes écoles ont échan­gé sur ce phé­no­mène gran­dis­sant. La table ronde a démar­ré avec la pro­jec­tion du docu­men­taire Rup­tures, d’Arthur Gos­set, diplô­mé de Cen­trale Nantes, ayant sui­vi pen­dant un an, avec sa camé­ra, le par­cours de diplô­més qui ont rom­pu avec un par­cours tout tra­cé afin de s’engager de manière très concrète pour l’environnement.

De l’avis d’Arthur Gos­set, le déclic s’est pro­duit pour beau­coup de ces jeunes en 2018, année du lan­ce­ment du mani­feste Pour un réveil éco­lo­gique, qui a recueilli 35 000 signa­tures d’étudiants et appe­lait les for­ma­tions et les entre­prises à être à la hau­teur du défi cli­ma­tique. Ces jeunes, selon le mani­feste, doivent agir « à l’intérieur et à l’extérieur des uni­ver­si­tés, des écoles et des entre­prises pour faire bou­ger les lignes et accor­der leurs aspi­ra­tions à leurs carrières ».

Cette même année, le dis­cours de Clé­ment Choisne a éga­le­ment connu un fort reten­tis­se­ment dans le monde estu­dian­tin ; lors de la remise des diplômes de Cen­trale Nantes, cet ingé­nieur a inter­pel­lé sur scène le direc­teur de son école : « Je pense que vous vous trom­pez sur la vision que vous avez de la tran­si­tion éco­lo­gique et les moyens que vous y attri­buez […] Il n’est pas trop tard pour faire de Cen­trale Nantes un labo­ra­toire de solu­tions tech­niques, sobres et durables, de chan­ger la donne, de cocons­truire un futur sou­hai­table où l’argent n’est plus la seule valeur. » Cet aplomb moti­vé par un sen­ti­ment de révolte est loin d’être un cas iso­lé. On le retrouve de plus en plus fré­quem­ment, de plus en plus ouver­te­ment, dans les pro­pos des élites en herbe, dont celles qui seront ame­nées à fabri­quer la ville demain.

2018, année zéro de la « géné­ra­tion climat »

Cor­ro­bo­rant les pro­pos d’Arthur Gos­set, la jour­na­liste du Monde Marine Mil­ler, autrice de La Révolte, enquête sur les jeunes élites face au défi éco­lo­gique (Le Seuil, 2021), affirme que l’année 2018 est « l’année zéro » de cette « géné­ra­tion cli­mat » qui, comme le rap­pelle Julien Vil­la­longue, sera « la pre­mière à subir direc­te­ment et de son vivant les consé­quences du chan­ge­ment cli­ma­tique ». Car 2018, c’est aus­si l’année de la grève sco­laire de la Sué­doise Gre­ta Thun­berg, alors âgée de 15 ans. Au même moment, chez nous, on assis­tait sur les ondes de France Inter à la démis­sion en direct de Nico­las Hulot de son poste de ministre de la Tran­si­tion éco­lo­gique. « Cet évè­ne­ment poli­tique a mar­qué qua­si­ment tous les gens que j’ai ren­con­trés pour mon livre, assure Marine Miller.

Pour eux, cette démis­sion signi­fiait : “Si lui ne peut rien faire, com­ment allons-nous pou­voir chan­ger les choses en entrant dans les entre­prises ? » Enfin, 2018 est éga­le­ment l’année la plus chaude jamais enre­gis­trée en France depuis cent ans, avec plu­sieurs épi­sodes de cani­cule le même été, des inon­da­tions, sans oublier les incen­dies géants de Californie…

Mais cette fronde étu­diante est-elle un véri­table mou­ve­ment de fond ? Et com­ment quan­ti­fier son ampleur ? « À part le mani­feste, on n’avait pas beau­coup d’indicateurs, rap­pelle Marine Mil­ler. Mais on a tout de même 35 000 étu­diants qui appellent clai­re­ment à la déser­tion. C’est un signal faible qui va prendre de l’ampleur dans les années à venir. » Pour mettre ce nombre de signa­taires en pers­pec­tive, la jour­na­liste rap­pelle que, chaque année, 85 000 étu­diants passent par les classes pré­pa­ra­toires aux grandes écoles – et invite les cher­cheurs à aider à quan­ti­fier ce phénomène.

Pho­to : Des jeunes mani­festent pour le cli­mat, à Mar­seille (2019) © Gérard Bottino/Shutterstock

Lire la suite dans le numéro 424, Jeunes

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