Propos recueillis par S. S.
David Rudlin (1)Vous figurez parmi les premiers à avoir réintroduit l’urban design en Angleterre dans le cadre du projet de rénovation urbaine de Hulme au début des années 1990. Pourquoi avoir pris ce parti ?Au Royaume-Uni, les projets du début des années 1990 répondaient encore à des logiques de conception suburbaine ou moderniste. À Hulme, nous avons cherché à repenser cela et à imposer une structure urbaine au projet grâce à une trame viaire appropriée à l’îlot et à de nouveaux fronts bâtis. En réalité, et pour obtenir ce que nous voulions, nous étions prêts à accepter l’idée que les principes que nous défendions pourraient fonctionner avec toutes les architectures – même les mauvaises !
Les design codes remettent en cause l’urbanisme moderniste, mais reconnaissent le potentiel offert par l’intégration d’architectures contemporaines dans des formes urbaines traditionnelles. En avez-vous fait l’expérience ? Tout à fait. En tant que designers, nous (URBED) sommes modernistes. Mais seulement pour l’architecture : l’urbanisme moderniste est un désastre ! Nous distinguons donc architecture et urbanisme et avons collaboré avec Daniel Libeskind, Richard Rogers, S333 et Tovatt Architects – le cabinet où exerçait Ralph Erskine. L’urbanisme est un ensemble de principes qui doit être distingué du style ou, si j’ose dire, de l’architecture. Une structure urbaine suffisamment robuste peut accueillir une architecture “extrême” sans que sa cohérence soit réduite. En atteste notre projet pour le New England Quarter à Brighton.
Matthew Carmona (2)
L’un des principaux arguments en faveur des codes est qu’ils offrent des règles du jeu identiques pour tous les promoteurs. Doit-on voir en cela le reflet d’une mauvaise utilisation de la marge de manœuvre conférée aux municipalités en matière d’urbanisme réglementaire à travers le principe “discrétionnaire” ? Non. Le fait de placer les promoteurs sur un pied d’égalité implique qu’ils entrent en concurrence sur les mêmes bases de qualité et de prix : un promoteur n’obtient donc pas du foncier simplement parce qu’il est prêt à sacrifier la qualité pour pouvoir revoir son enchère à la hausse.
L’expérience montre qu’il est plus facile d’assurer la cohérence d’un projet lorsqu’un site est vierge et/ou détenu par un seul et unique propriétaire. Quels sont les obstacles à l’élaboration et à la mise en œuvre de codes dans les espaces caractérisés par la multitude de propriétés privées ?La vraie valeur des codes réside précisément dans leur application à des espaces où le foncier est fragmenté, pour coordonner les réalisations des différents acteurs. Le défi consiste à faire dialoguer les propriétaires et/ou les promoteurs afin qu’ils ne soient pas en concurrence mais plutôt qu’ils partagent leurs stratégies commerciales et celles liées au design.
Les nouveaux outils de l’urban design rendent-ils l’urbanisme réglementaire plus contraignant ?Le système de planification britannique est essentiellement discrétionnaire et il le restera sans doute. Les guides sont des outils qui visent précisément à répondre à la flexibilité générée par le principe discrétionnaire. Les codes sont plus restrictifs. Ils peuvent avoir valeur légale lorsqu’ils soumettent l’octroi de permis de construire à des conditions ou lorsque la vente d’un terrain fait l’objet de restrictions. En cela, ils rendent les processus d’urbanisme réglementaires plus contraignants.
Rynd Smith (3)
Vous étiez directeur des Politiques au Royal Town Planning Institute avant de rejoindre le Planning Inspectorate en qualité de directeur des Politiques et des Plans. D’après vous, la design-led renaissance a-t-elle fait évoluer les pratiques professionnelles ?Elle les a profondément modifiées dans certains lieux, dans d’autres moins. Les grandes villes comme Liverpool, Birmingham, Newcastle et Glasgow illustrent la manière dont une vision et des projets phare de qualité peuvent produire des résultats extraordinaires. Mais dans les villes de plus petite taille et dans les suburbs frappées par le déclin économique, la qualité peut encore être perçue comme un coût et non comme un bénéfice. Les pratiques changent et le spatial planning accorde une importance croissante aux caractéristiques physiques d’un lieu. Mais comme tout changement de pratique ou de paradigme, le progrès n’est pas universel.