« Mai 1968. L’architecture aussi ! », l’exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine plonge dans un bouillonnement qui dépasse la seule année 1968.
Quand une profession saisie par le doute rencontre l’un des grands événements sociaux et culturels du xxe siècle, le choc fait sentir ses effets sur une longue durée. L’un des grands mérites de l’exposition « mai 1968. L’architecture aussi ! », qui se tient à la Cité de l’architecture et du patrimoine /1, est de montrer comment les deux mouvements (la mutation de l’architecture d’un côté, mai 1968 et les années qui ont suivi de l’autre) se sont télescopés de plein fouet. Car le désir de faire éclater les cadres de l’exercice professionnel et la remise en cause de la formation n’ont pas attendu le mois de mai. Dès le début des années soixante, des étudiants, et non des moindres, remettent en cause l’académisme dominant aux Beaux-Arts et cherchent à se libérer de « l’esthétique du rendu et de la maîtrise technique », dont l’exposition présente quelques spécimens.
Sans pitié, l’exposition rappelle les codes, l’ambiance idéologique et l’esprit Quat’zarts – avec son folklore macho, ses bizutages et les soirées qui vont avec – dans lequel baignaient les étudiants d’archi avant 68. La photo de Roland Castro et Jean-Claude Apercé, déguisés lors d’un bal à thème sur la Chute de l’Empire romain en 1961, résume le chemin parcouru dans les années qui suivent. D’autres documents racontent les tentatives pour briser ce cadre convenu : premières expériences alternatives d’enseignement, diplômes transformés en manifestes, bulletin de l’association des étudiants, La Grande Masse, dont le sommaire du n° 6 (1959-1960) est explicite : « Faut qu’ça change, p. 7. Faut qu’ça change, p. 11. Faut qu’ça change, p. 22. Faut qu’ça change, p. 27. » Le directeur de l’architecture au ministère de la Culture, Max Querrien, annonce dans une interview au Figaro littéraire en février 1967 : « L’école des Beaux-Arts va “éclater”. » « L’État donne la parole aux contestataires et les aide en sous-main », décode le sociologue Jean-Louis Violeau, l’un des trois commissaires de l’exposition. « Il a conscience que ce qu’on fait à l’époque n’était pas de la meilleure eau et qu’il faut radicalement changer la formation. Mais il ne sait pas comment s’y prendre. » Le décret qui crée les unités pédagogiques d’architecture (UPA) était pourtant prêt dès le mois d’avril 1968, mais ne sera signé que le 6 décembre de la même année. Certains étudiants n’en restent pas là et s’interrogent sur le sens même de l’architecture et sa dimension sociale. C’est sur ce terreau qu’éclatent les événements de 1968.
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Livre d’or d’architecture et d’urbanisme n° 1, éditions de La Grande Masse, juillet 1966 (collection particulière)
© D. R.

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Notes
1/ « Mai 68. L’architecture aussi ! », du 16 mai au 17 septembre 2018, Cité de l’architecture et du patrimoine, 1, place du Trocadéro, 75016 Paris.