
Yann Arthus-Bertrand et Michael Pitiot
Destiny Films, en salle le 5 novembre
Il y a toujours quelque chose de profondément paradoxal dans les films de Yann Arthus-Bertrand. Le photographe-cinéaste, qui a capté la Terre vue du ciel et donné une portée planétaire aux luttes écologistes, choisit cette fois-ci de regarder à hauteur d’homme. Avec son complice réalisateur Michael Pitiot, il signe France, une histoire d’amour, un road movie humaniste qui traverse l’Hexagone à la recherche de ce qui nous relie encore.
Ici, pas de monuments ni de cartes postales. La France filmée est celle des marges, des invisibles et des résistants : les migrants de Calais, les habitants des quartiers nord de Marseille, qui transforment un McDo désaffecté en lieu de solidarité, un ancien héroïnomane réinséré. Autant de trajectoires cabossées, autant de récits de dignité. « Comment on devient SDF ? Ça peut arriver à n’importe qui », glisse Djaffar Djaballah, ancien sans-abri devenu chauffeur pour la société Phenix, qui lutte contre le gaspillage alimentaire.
La caméra de l’« hélicologiste » ne s’attarde pas seulement sur la détresse : elle révèle aussi les germes de collectif, cette énergie fragile qui naît quand on fait communauté. Car, comme le martèle le documentaire, « ce qui manque le plus aux gens, c’est ce que la société ne leur donne plus : être avec les autres ». Un autre chapitre s’ouvre sur le monde agricole, où se joue une autre bataille : celle contre le modèle productiviste. Des paysans de la vallée de la Roya racontent les ravages d’un système qui subventionne les surfaces plutôt que les pratiques, qui mène certains à parler de « génocide paysan ».
La force du film est aussi sa limite : en embrassant trop de réalités, il laisse parfois le spectateur sur sa faim. Nous aimerions passer plus de temps avec ces personnes rencontrées au détour d’une route ou d’un champ. Mais ce survol a le mérite de dessiner un panorama large, une fresque qui tient autant du reportage que de la déclaration d’amour. Car, au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit : aimer la France non pas pour ses paysages ou ses mythes, mais pour celles et ceux qui la tiennent debout, souvent dans l’ombre. France, une histoire d’amour ne cherche pas à convaincre par la démonstration : il touche par l’évidence. Les convaincus s’y reconnaîtront ; les sceptiques, peut-être, y verront une invitation à réapprendre le vivre-ensemble.
Lucas Boudier





