À Brest
Collectif Othon
Éditions Divergences, 2025,
180 pages, 16 euros
Après une halte à Valenciennes et à Arles, le collectif Othon met le cap à l’ouest, direction la cité du Ponant. Alors qu’elle n’a pas encore atteint Brest, la première narratrice fait l’expérience de la convivialité bretonne lors d’un arrêt de train prolongé. Elle rencontre Fanch, jardinier dans la fonction territoriale, vantant le terreau fertile de sa ville natale, « tout y pousse », tout en mettant en garde contre la laideur architecturale des lieux. À Brest, la beauté se cherche à l’horizon : « Quand on lui demande son chemin, le Brestois, pour se repérer, cherche d’abord de l’œil où nous nous trouvons par rapport au port. » Au fil de descriptions méticuleuses, on apprend ainsi que la reconstruction d’après-guerre s’inspire des plans d’une cité « idéale » imaginée par Vauban au XVIIIe siècle. Une organisation urbaine en rupture avec les préceptes modernistes, qui crée une ville à la structure complexe marquée par la coexistence de multiples centres et une séparation stricte des fonctions.
Au cœur de la capitale bretonne, le stade Francis-Le Blé – sanctuaire du football local – se dresse fièrement depuis un siècle. Pourtant, depuis son rachat en 2016 par les frères Le Saint, héritiers d’un grand groupe agroalimentaire régional, le vieux Francis est menacé par un stade flambant neuf. En 2028 sera livré l’Arkea Park pour la modique somme de 106,5 millions d’euros, grignotant terres agricoles cultivées et arrachant à la ville-centre un bout de son âme. « Francis, c’est le foot populaire qu’on aime aimer : il sent la transpiration et la bière, son short est dégueulasse dès la mi-temps, il est bruyant et joyeux. »
Brest, c’est aussi la Maison du peuple, place Édouard-Mazé, du nom d’un syndicaliste tombé sous la balle policière en 1950. Dans cette ville de l’Ouest, on ne célèbre pas la mémoire des Chouans, mais plutôt celle des syndicalistes, marins et ouvriers, qui forment le cœur de la cité. Cette identité se reflète jusque dans son architecture Bauhaus, dont « la beauté sombre et fonctionnelle » témoigne d’une « attention aux conditions sociales de la vie moderne », un refus des fioritures qui incarne parfaitement l’esprit des lieux. Dans un récit vivant et foisonnant, Brest se dévoile à petites bouchées, avec ce goût singulier et réaliste qu’offre le collectif Othon.
Maider Darricau





