Hubert Charuel, en collaboration avec Claude Le Pape
Pyramide Films, en salle le 8 octobre
En 2017, Hubert Charuel dépeignait dans Petit Paysan la vie des gens issus de ce que Jean-Pierre Raffarin appelait au siècle dernier « la France d’en bas ». Fils d’agriculteur, le réalisateur avait montré avec une justesse rare le quotidien d’un éleveur bovin acculé par la maladie de son cheptel et englué dans un déni mortifère. Succès en salles, le film a été récompensé du César du meilleur premier film et a ouvert la voie à d’autres traitant du monde agricole, tels que Ce qui nous lie, Au nom de la terre, ou encore Vingt Dieux.
Huit ans après, le cinéaste livre (enfin) son nouvel effort, Météors, pour lequel il puise une nouvelle fois dans son passé. Si on quitte la campagne, on reste cependant en Haute-Marne, dont Charuel est originaire, pour suivre les aventures de Dan et Mika, deux jeunes de Saint-Dizier, une ville située, selon le réalisateur lui-même, en pleine « diagonale du vide ». Dans le numéro 433 d’Urbanisme, nous présentions en détail les enjeux de la commune et le plan de revitalisation « Révéler Saint-Dizier » mené par son jeune et dynamique maire, Quentin Brière.
Ancienne cité métallurgique florissante au XIXe siècle, la ville enclavée entre Troyes, Nancy, Metz et Reims tente de faire aujourd’hui valoir ses atouts – de la présence de la base aérienne 113 à son riche patrimoine naturel constitué de canaux, de vastes espaces forestiers et du grand lac de Der. Mais, soyons honnêtes, Météors ne constitue pas un élément très probant de marketing territorial tant il présente des décors ternes, à l’exception peut-être de son emblématique tour Miko, élevée sur l’ancien siège des fameuses crèmes glacées, devenu récemment un beau cinéma multiplexe. Les deux héros, eux non plus, ne projettent pas une image très enviable des Bragards – ainsi qu’on appelle les habitants du cru.
Car Dan (Idir Azougli) et Mika (Paul Kircher) sont de vrais zonards, évoluant entre soirées picole dans leur appartement insalubre, parties de bowling arrosées de shots et larcins foireux pour tenter de financer un voyage à La Réunion. Parmi les plans géniaux de Dan – clairement le moins futé des deux –, il y a la récompense promise pour retrouver Moby Dick, la carpe géante emblématique du lac de Der qui a disparu dans des circonstances mystérieuses. Ou encore le vol de Sunset, un chat maine coon de concours qui vaut son pesant d’or. Le rapt de ce dernier conduira nos pieds nickelés devant le tribunal.
Et pour éviter la prison, ils devront arrêter de boire, de fumer des pétards et trouver un travail. Heureusement, leur ami Tony (Salif Cissé), entrepreneur dans le BTP, accepte de les embaucher pour bosser dans une décharge nucléaire. Inutile de préciser que rien ne va se passer comme prévu, malgré la bonne volonté des deux compères, qui ne sont pas sans évoquer le duo steinbeckien de Des souris et des hommes (sauf que Dan, s’il est l’idiot du binôme, n’est pas pour autant une force de la nature, bien au contraire).
« Au départ, il y avait l’envie de parler d’un territoire particulier et d’amitiés mises en danger, explique Hubert Charuel. Le territoire, c’est la Haute-Marne où j’ai grandi, et les personnages sont inspirés de ceux qui m’entouraient. » La mission est parfaitement réussie : on n’est pas près d’oublier les aventures de Dan et Mika, entre rires, tendresse, espoir et pure stupidité. Alors, si vous hésitez encore à visiter Saint-Dizier, allez au moins voir Météors. C’est un bon début.
Rodolphe Casso
