Tarzan et Arab Nasser
Dulac Distribution, actuellement en salle
Prix de la mise en scène,
Un certain regard, Cannes 2025
Once Upon a Time in Gaza est-il un film d’action, une comédie burlesque ou un polar ? Sans doute emprunte-t-il à chacun de ces genres, en évitant délibérément de se limiter à une approche centrée sur le conflit israélo-palestinien, annoncent les deux réalisateurs : « Les médias télévisés véhiculent une image erronée de Gaza : à les regarder, Gaza serait uniquement le Hamas, des milices, des terroristes. » Exilés depuis 2011 en raison de leurs dissensions avec le Hamas, les frères Nasser ont écrit ce scénario avant le 7 octobre 2023. Près de deux ans plus tard, leur objectif reste inchangé : montrer la vie quotidienne dans la bande exiguë de 345 km².
Tourné en Jordanie, le film prend pour point d’accroche le durcissement de la politique israélienne à la fin des années 2000. En 2007, Israël impose un blocus aux Gazaouis, qui viennent d’élire le Hamas aux élections législatives : le prix des cigarettes flambe, mais pas seulement. Oussama, escroc de seconde zone, revend quelques pilules antidouleur pour faire tourner son restaurant de falafels. Son employé, l’affable Yahya, l’appelle sans cesse pour réclamer du gaz, de l’huile, des légumes… tout se raréfie et il faut bien trouver quelques astuces pour financer la hausse du shekel. « L’objectif n’était pas juste de surprendre le spectateur, mais de montrer un rythme qui reflète celui de la vie à Gaza, souvent fragmentée et pleine de contradictions. » On suit ainsi les escapades urbaines d’Oussama et Yahya, entre escroqueries chez les pharmaciens et dîner dans un restaurant cossu. Une vie somme toute banale, si l’on fait abstraction de la brutalité de l’enfermement. En toile de fond, un véritable jeu du chat et de la souris s’installe entre le dealer sur le déclin, l’étudiant idéaliste relégué à la préparation de falafels et un policier véreux avide de pouvoir. Le film bascule par un évènement loufoque : Yahya, jeune homme hagard, est repéré lors d’un casting sauvage pour incarner le héros martyr de la Palestine, à la stupéfaction générale.
Le conflit s’infiltre toutefois subtilement dans le récit. Ainsi, Yahya se voit refuser la possibilité de quitter la bande de Gaza, dont il n’a jamais pu franchir les frontières. En arrière-plan, le film est ponctué de scènes de bombardements. La mort rôde et frappe les personnages de manière inattendue, résonnant comme un écho glaçant à la réalité indicible.
Maider Darricau