
Gianfranco Rosi
Météore Films, en salle le 19 novembre
Dans une salle désaffectée, les sièges poussiéreux font écho aux ruines que le film s’apprête à révéler. Sur l’écran, la tragédie de Pompéi prend forme. « Le Vésuve fabrique tous les nuages du monde », écrivait Jean Cocteau, et Pompei, sotto le nuvole s’ouvre dans cette atmosphère suspendue, entre réalisme et onirisme en noir et blanc. Derrière les nuages volcaniques, Naples apparaît comme une ville tentaculaire, un palimpseste vivant où passé et présent se superposent.
Gianfranco Rosi, cinéaste reconnu pour ses documentaires, continue de creuser ici sa veine d’archéologue du présent. Le film avance sans itinéraire clair : un bus sur le périphérique, des pilleurs de tombeaux, des appels d’urgence aux pompiers, un vraquier chargé de blé ukrainien… Ces fragments dessinent un territoire hanté, à la fois fascinant et désolé. Quelques scènes frappent particulièrement : l’appel d’un membre de l’équipage à sa mère inquiète, où tension et banalité du quotidien se mêlent avec une poésie étrange.
Des moments de répit surgissent, notamment dans la salle de stockage des statues, où une femme examine chaque œuvre et médite sur le temps qui passe et la fragilité des souvenirs. Ces instants offrent un ancrage nécessaire dans ce film par ailleurs flottant. Le réalisateur observe avec attention les strates de la mémoire, les gestes de ceux qui fouillent, comme le montrent les archéologues japonais, présents depuis vingt-deux ans sur les sites. La poésie se cache dans les détails, mêlant tragédie et quotidien, tandis qu’une épée de Damoclès semble peser sur les habitants, craignant le réveil du Vésuve à chaque tremblement de terre.
Pourtant, à force de planer au-dessus du réel, le film se perd dans sa propre brume. La narration reste fragmentaire, la contemplation tourne parfois à l’indifférence, et l’ensemble manque de cohérence et de souffle. Les images fascinent, mais elles peinent à captiver durablement. Reste un geste de cinéma sensible, mais suspendu, qui aurait gagné à trouver un peu plus de rythme afin de transformer sa beauté visuelle en émotion durable.
Lucas Boudier





