Le Lotissement

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Le Lotissement

Claire Vesin
La Manufacture de livres, 2025, 272 pages, 19,90 euros

Au mitan des années 1980, le lotissement reste considéré par les pouvoirs publics comme une opération d’urbanisme capable de contenir le mitage de ce qu’on n’appelle pas encore les territoires. Pour les habitants de Mare-les-Champs, ville fictive de 5 000 âmes de la grande banlieue parisienne, leur Lotissement est symbole d’une certaine réussite sociale, à 17 km des rumeurs et du stress de la capitale.

On y goûte une certaine quiétude dans cet art de vivre dit à la française, entre les maris s’affairant au barbecue dans le jardin pendant que les épouses sirotent leur rosé au salon au son du Bad Girls de Donna Summer. Si les maisons y sont quasi semblables dans leur agencement, comme dans un film de Céline Sciamma (La Naissance des pieuvres), la façade rutilante abrite force tensions que n’aurait pas reniées le Blue Velvet de David Lynch…

Avec Blanches (La Manufacture de livres, 2024), son premier roman, Claire Vesin décrivait avec réalisme et talent une ville aux portes de Paris avec ses tours, ses habitants et leurs tourments, et son hôpital fissuré, mais malgré tout résilient. Dans Le Lotissement, elle dépeint, derrière des haies bien taillées, son univers impitoyable, où se mêlent obscur objet du désir, jalousies intestines, amours contrariées et racisme déjà bien décomplexé. La jeune institutrice qui « vient des îles » dérange ces dames gavées de « Temesta et Valium comme pour tout le cheptel », tout comme la construction d’un HLM dans un champ voisin du lotissement, qui va « accueillir toute la misère du monde », fait bouillir la testostérone de ses habitants.

Lorsque la narratrice revient sur les lieux du crime, c’est presque quarante ans après les faits. Sa mère est décédée, il s’agit de débarrasser le pavillon, avant de penser à le vendre, un jour. Et puis, il y a ce journal, celui d’Élise, récupéré dans un carton planqué dans le garage ; tant d’années après, il sent encore l’incendie. L’incendie du pavillon Érable – le grand modèle et donc le plus spacieux du village –, acheté sur plan par les Mondessert, les pionniers du lotissement, dont Béatrice Mondessert est la reine, et sa fille, Élise, l’incendiaire.

Dans ce roman noir aux voix multiples et à l’analyse sociale subtile, Claire Vesin décortique, sans juger, ces mécanismes si effroyables si humains qui font basculer, alors que dans les walkmans Balavoine chantait « Qu’est-ce qui pourrait sauver l’amour ? »….

Frédérique Chatain

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