Bonjour l’asile

Titre:

Description :

Bonjour l’asile

 

Judith Davis
[UFO Distribution, en salle]

Dans la lignée de son premier film Tout ce qu’il me reste de la révolution, qui explorait le quotidien d’une urbaniste, Judith Davis poursuit son récit de l’habitus bobo. Cette fois, elle met en scène l’amitié quasi sororale entre Jeanne, citadine ultra-stressée, et Élisa, néorurale fraîchement installée à la campagne avec trois enfants en bas âge et un compagnon dont la déconstruction patriarcale reste théorique. Tandis que Jeanne zigzague dans le tumulte urbain, Élisa vante les bienfaits d’une vie au grand air, entre four à pain, toilettes sèches et potager en permaculture.

Après cette parodie d’un quotidien rural en surface idyllique, le récit introduit l’allégorie du capitalisme en la personne d’Amaury, un promoteur transfuge de classe, et son épouse obsédée par la jeunesse éternelle. Ces personnages s’opposent autour du lieu central de l’histoire, l’HP, en référence à son ancienne fonction, savamment renommée Hospitalité Permanente. Ce château, devenu un refuge pour les exclus de la société sous le patronage de l’envoûtante Cindy, Amaury songe à le transformer en hôtel de luxe, sous la pression de sa belle-famille.

Judith Davis installe avec brio un climat dissonant entre les crises de nerfs et angoisses de ses personnages, et la parenthèse enchantée où chacun s’affaire dans l’harmonie silencieuse de l’HP. Elle y ajoute une dose de dérision, dont une scène magistrale d’atelier où chacun s’interroge dans une boucle infinie sur son rapport misogyne au monde. Grâce à cet humour subtil, la réalisatrice évite les clichés tout en valorisant ces lieux d’entraide qui échappent aux conventions sociales.

Dans un procesus artistique qui la démarque, Judith Davis a imaginé le canevas autour de son refuge L’Avantage du doute, qu’elle a cofondé, en 2007, avec les acteurs principaux de l’œuvre. Elle y distille les préoccupations personnelles et collectives qui ont mûri durant les six années séparant ce projet de son précédent long métrage. Se dessine ainsi avec finesse le portrait d’Élisa, illustratrice au talent éclipsé par la maternité. Dans cet esprit en jachère surgit un étrange personnage gouailleur et mélancolique, bousculant sans ménagement son esprit harassé. Malgré la toile de fond tissée par les vicissitudes du capitalisme, Judith Davis parvient à transmettre cette joie collective et contagieuse. Un hymne rayonnant réaffirmant l’importance de faire communauté.

Maider Darricau

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


À propos

Depuis 1932, Urbanisme est le creuset d’une réflexion permanente et de discussions fécondes sur les enjeux sociaux, culturels, territoriaux de la production urbaine. La revue a traversé les époques en réaffirmant constamment l’originalité de sa ligne éditoriale et la qualité de ses contenus, par le dialogue entre chercheurs, opérateurs et décideurs, avec des regards pluriels.


CONTACT

01 45 45 45 00


Newsletter

Informations légales
Pour recevoir nos newsletters. Conformément à l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978 et du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, vous disposez d’un droit d’accès, de rectifications et d’opposition, en nous contactant. Pour toutes informations, vous pouvez accéder à la politique de protection des données.


Menus