Direct Action, actuellement en salle
un film de Guillaume Cailleau et Ben Russell
Shellac Films
En France, le combat contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a marqué au fer rouge la lutte écologiste et le durcissement de la répression policière, à la fin des années 2000. Le projet dont le budget est estimé à 580 millions d’euros est finalement abandonné en 2018. C’est sur cette annonce que démarre le documentaire Direct Action, filmant les vidéos souvenirs de la liesse qui a suivi la décision du président de la République. La zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes ne s’est pas arrêtée au 17 janvier 2018. Malgré dix jours d’une violence inouïe (11 000 projectiles lancés sur 700 individus) pour tenter de vider le terrain, environ 150 habitants résisteront, et obtiendront quatre ans plus tard un statut légal. Les images de ce documentaire tourné en 2022 et 2023 sur la ZAD racontent le quotidien presque banal de cet espace devenu un terrain d’activisme et de solidarité.
En 2021, elle accueille un nouveau mouvement écologiste, Les Soulèvements de la Terre, qui sera l’un des acteurs principaux de la manifestation de Sainte-Soline contre les mégabassines. Guillaume Cailleau et Ben Russell s’intéressent tardivement à la ZAD, mais sont fins connaisseurs de ces expérimentations démocratiques, que le second traite à travers des portraits depuis de longues années. « Elle a été surreprésentée dans les médias français mais, à ma connaissance, très peu d’artistes y sont venus pour travailler sur cette question de la représentation », avance Ben Russell. Les deux réalisateurs se fondent tellement dans le décor qu’ils donnent l’impression au spectateur d’être acteurs de cette chorégraphie routinière. Grâce à ce travail d’invisibilité, ils ont l’autorisation de filmer le quotidien de la ZAD : bricolage, perçage d’oreille, goûter d’enfants…, à l’exception des moments de démocratie participative. « Le risque de répression est si élevé, que, même lorsque vous ne faites rien d’illégal en soi, vous ne voulez pas être enregistré », justifie Guillaume Cailleau. Le documentaire s’assombrit soudain en seconde partie, filmant la brutalité des évènements de Sainte-Soline. « Les personnes avec lesquelles nous avons parlé étaient avant tout surprises par l’échelle de la violence, pas par son existence », note Ben Russell. Pourtant à la sortie de la salle, c’est un goût d’optimisme qui saisit le spectateur, car ce que Direct Action expose, c’est la victoire d’un modèle de fonctionnement alternatif qui poursuit son chemin, quinze ans après sa genèse.
Maider Darricau