Frédéric Farrucci
[Ad Vitam, actuellement en salle]
Inspiré d’une rencontre avec un berger dans l’extrême sud de la Corse, Le Mohican raconte l’histoire de Joseph, un pâtre attaché à sa terre, confronté à l’arrivée d’un entrepreneur déterminé à racheter son terrain pour y développer des activités plus lucratives. Avec ses panoramas typiques de l’île de Beauté, Le Mohican plonge dans une ambiance captivante qui emprunte aux codes du western spaghetti.
Un berger sur son quad menant ses chèvres à travers le maquis, des scènes de duel ainsi qu’un zest de mythologie populaire autour du banditisme corse forment la trame de ce récit dans lequel l’ordre est maintenu par le revolver et où la loi du plus fort règne. Sans toutefois sombrer dans le grotesque propre à certains westerns italiens, Le Mohican aborde un enjeu brûlant pour la Corse : le tourisme de masse. Ici, la conquête ne se joue pas entre cow-boys et Indiens, mais à travers l’opposition entre les valeurs d’un homme « qui transpire le territoire » et un système qui pousse au rendement et à la capitalisation financière, souvent au détriment du paysage.
« Que devient-on dès lors qu’on n’a rien à proposer ou à vendre qu’un paysage ? Rien. On cesse d’exister », alarme Frédéric Farrucci, le réalisateur, rappelant que le caractère sauvage de la Corse n’est pas éternel et doit être préservé, malgré la pression touristique constante. Dans ce combat, le personnage de Vannina, la nièce de Joseph, joue un rôle clé. Si son oncle est silencieux, presque hermétique, la jeune femme incarne une nouvelle génération déterminée à se faire entendre. À travers les réseaux sociaux, elle politise le débat et mobilise un large public, donnant une ampleur si ce n’est nationale, au moins insulaire, à cette lutte locale. Plus qu’une simple résistante, elle devient le porte-voix d’un territoire menacé.
Le titre – évidente référence au roman Le Dernier des Mohicans, de James Fenimore Cooper – établit un parallèle symbolique ; tout comme la disparition de Chingachgook annonçait celle de son peuple et de son mode de vie, celle de Joseph pourrait incarner la défaite de la nature face à l’ogre dévoreur qu’est le tourisme de masse.
Lucas Boudier