Lawrence Valin
[Zinc Distribution, actuellement en salle]
Tous les ans, au mois de septembre, la communauté sri lankaise de Paris, implantée sur un secteur du 10e arrondissement de seulement quelques rues, organise la fête de Ganesh, en l’honneur du dieu éléphant de la mythologie indoue. Cette manifestation folklorique très haute en couleur est surtout l’occasion pour l’ethnie tamoule de revendiquer ses racines.
C’est précisément le moment qu’a choisi le réalisateur Lawrence Valin pour la scène d’ouverture de Little Jaffna, film qui suit un jeune policier français d’origine sri lankaise, Michaël (interprété par Valin lui-même), dans une mission d’infiltration du gang des Perruches (les Killi’z), aux ordres d’Aya, le parrain du quartier.
Occupant un job de serveur dans un restaurant de la rue Louis-Blanc, Michaël parvient à attirer l’attention de Puvi, le bras droit du parrain, en participant avec brio à une rixe entre bandes rivales. Petit à petit, l’infiltré se fait une place au sein du gang, qui pratique notamment le trafic de travailleurs clandestins et la « collecte » d’argent auprès des commerçants – les sommes sont ensuite envoyées au pays afin de soutenir la lutte armée.
Car les Tamouls sont en guerre contre le gouvernement du Sri Lanka, revendiquant une partie de l’île comme territoire – l’Eelam. Missionné par la DGSI, Michaël doit donc cumuler les preuves qui permettront le démantèlement du groupe d’Aya. Mais celui-ci vit reclus, à l’abri des regards, dans un grand immeuble désaffecté, qui sert à la fois de logements et de base logistique pour mener ses activités en toute discrétion.
La qualité première de Little Jaffna est d’être bel et bien tourné dans le quartier tamoul de Paris, qui s’étend de la place de la Chapelle à la place Jan-Karski, en passant par les rues Louis-Blanc, Cail et Perdonnet. De scène en scène, la caméra nous entraîne dans les épiceries, les restaurants, les bazars et les taxiphones, autant de décors parfaitement authentiques. Contrairement, peut-être, aux comportements du gang d’Aya, qui relèvent plutôt des stéréotypes d’une bande de jeune de Seine-Saint-Denis.
Et si l’intrigue globale ne casse pas trois noix de coco sur un trottoir (comme il est de coutume pendant la fête de Ganesh), les scènes d’action et de fête suffisent à faire de Little Jaffna un film policier original dans un décor jusqu’ici inédit.
Rodolphe Casso