Camden et Dreaming Walls

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Camden et Dreaming Walls

 

Cam­den : un quar­tier haut en couleur
Dis­po­nible sur Disney+

Drea­ming Walls. Voyage au cœur du légen­daire Chel­sea Hotel
Joe Rohanne et Maya Duverdier
Les Alchi­mistes Films, actuel­le­ment en salle

Sans qu’il soit scien­ti­fi­que­ment pos­sible d’en déter­mi­ner toutes les rai­sons, cer­taines grandes villes génèrent par­fois des épi­centres de créa­ti­vi­té si puis­sants qu’ils en deviennent des terres de fan­tasmes et de légendes pour les décen­nies à venir. Ce bouillon­ne­ment créa­tif, Londres l’a connu au sein du quar­tier de Cam­den, à l’origine répu­té pour son mar­ché aux puces, avant que le rock’n’roll ne change défi­ni­ti­ve­ment son visage. La série docu­men­taire Cam­den : un quar­tier haut en cou­leur retrace en quatre épi­sodes la gran­deur et la déca­dence de ce mor­ceau de Londres où la scène musi­cale s’est épa­nouie depuis les années 1970 et l’émergence de The Clash. C’est par­mi les graf­fi­tis, le long des canaux, sur les zincs des pubs, autour des tables de billards qu’ont gra­vi­té Mad­ness, Blur, Oasis, The Liber­tines, Cold­play, jusqu’à la jeune Dua Lipa (qui est l’une des pro­duc­trices de la série) ou encore Amy Wine­house, dont la mort pré­ma­tu­rée en a fait la mar­tyre des lieux. Tous sont mon­tés un jour sur l’une des nom­breuses scènes – du Dublin Castle, du Koko, de l’Electric Ball­room – et ont chan­gé le cours de la pop music. Ces tra­jec­toires hors du com­mun ont toutes pour déno­mi­na­teur Cam­den, lieu de créa­ti­vi­té, de loi­sirs, de shop­ping et de son où, de l’avis de tous les artistes inter­ro­gés, il était pos­sible « d’être soi-même ».

À New York, à l’époque où Man­hat­tan n’était pas encore asep­ti­sé et hors de prix, le Chel­sea Hotel a héber­gé une palan­quée d’artistes comme les auteurs de la Beat Gene­ra­tion, Janis Joplin, Jimi Hen­drix, Pat­ti Smith, Robert Map­ple­thorpe, Leo­nard Cohen, Bob Dylan, Nico, Lou Reed, Andy Warhol, Milos For­man… Et la liste est encore (très) longue. Le docu­men­taire Drea­ming Walls, de Joe Rohanne et Maya Duver­dier, évoque bien enten­du ces années folles où la mode, la musique, la pho­to­gra­phie, la danse, la lit­té­ra­ture, le ciné­ma ont été nour­ris par le talent des rési­dents de ce bâti­ment cen­te­naire et bon mar­ché. Mais il raconte sur­tout sa récente trans­for­ma­tion en hôtel de luxe (les tra­vaux ont duré huit ans) et le com­bat des der­niers rési­dents pour res­ter chez eux, coûte que coûte. Rose Cory, per­for­mer et loca­taire, est l’une d’entre eux : « Il y a des gens ici qui sont des ves­tiges du New York au temps où Man­hat­tan était le centre de l’avant-garde et de la bohème. » Jadis dan­seuse, pho­to­graphe, réa­li­sa­teur, ils sont par­fois très âgés, savent que l’expulsion leur pend au nez, et semblent des fan­tômes errant par­mi les ouvriers, la pous­sière et les bâches, en atten­dant qu’une nou­velle clien­tèle, for­tu­née, n’investisse les lieux. Une ago­nie que l’un d’entre eux qua­li­fie de « viol au ralen­ti du bâti­ment ». La fête du Chel­sea est finie.

Bien que de fac­tures très dis­sem­blables (Cam­den adopte une béa­ti­tude à la Dis­ney, quand le ton de Drea­ming Walls est aus­si cré­pus­cu­laire que poé­tique), ces deux exer­cices docu­men­taires viennent rap­pe­ler que les tra­jec­toires de Cam­den et de Man­hat­tan se rejoignent. Les artistes sont sou­vent les agents invo­lon­taires de la gen­tri­fi­ca­tion et, dans un contexte de ten­sion immo­bi­lière, l’ébullition et la « cooli­tude » des lieux qu’ils animent attirent inexo­ra­ble­ment les pro­mo­teurs avides de satis­faire une clien­tèle en quête de mètres car­rés moins chers. Conso­lons-nous en son­geant qu’il est contre-nature de voir la contre-culture s’enkyster en un endroit ; ne parle-t-on pas de « mou­ve­ments » ou de « cou­rants » artis­tiques ? Cam­den et Man­hat­tan ont eu leur heure de gloire ; d’autres quar­tiers, dans d’autres villes du monde, attendent leur éclosion.

Rodolphe Cas­so

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