Paris 2024. Une ville face à la violence olympique
Jade Lindgaard
(Éditions Divergences, 2024, 200 pages, 15 euros)
Ce brûlot d’une journaliste de Mediapart constitue une critique au vitriol des effets des Jeux olympiques de Paris 2024 sur l’urbanisme de la Région parisienne, notamment sur le plan économique et social, à l’image de l’essai Les Naufragés du Grand Paris Express (d’Anne Clerval et Laura Wojcik, Zones, 2024), sur les futurs quartiers de gare du métro en construction au-delà du périphérique.
En se concentrant sur le village olympique de Saint-Denis, réalisé pour accueillir les athlètes pendant la compétition et vanté comme un modèle d’architecture durable pour le futur de la métropole parisienne, l’autrice cherche à démontrer que les organisateurs – les pouvoirs publics, ainsi que les nombreux partenaires et acteurs économiques – ont souhaité fabriquer un démonstrateur urbain de la modernité, de l’innovation et de la rentabilité, soit un « produit d’appel pour nouveaux habitants bankable » comme le rêvent les promoteurs, mais qui tend à renchérir les prix et à déloger une partie des habitants d’un quartier populaire.
Témoignages à l’appui, Jade Lindgaard n’hésite pas à parler de « violence urbaine » pour évoquer cette volonté de créer ex nihilo une nouvelle communauté gentrifiée, une forme d’« urbanisme des trophées » souhaitée à la fois par la raison d’État et par la recherche d’activités lucratives pour les groupes privés, dont la « machine à cash » du CIO est de longue date un parfait tremplin pour leur « extractivisme », reprenant l’expression de la sociologue Saskia Sassen pour décrire les effets du développement de la finance dans l’immobilier.
C’est l’écosystème de la ville néolibérale qui est ici remis en cause dans son intégralité, le « Paris rêvé » des JO 2024 n’en étant qu’un symptôme aux yeux de la journaliste qui, cependant, considère qu’un autre village olympique aurait pu être possible, fondé sur l’idée qu’un logement décent est un droit humain fondamental.
Aussi, s’opposant à un modèle unique de capture de la valeur par « l’empire urbain de la finance », selon le titre du récent ouvrage d’Antoine Guironnet et de Ludovic Halbert, Jade Lindgaard montre que des contre-projets peuvent être imaginés pour empêcher une forme de dépossession sociale et économique sur l’autel de l’organisation d’un évènement sportif mondial.
Damien Augias