Bird, actuellement en salle
Un film de Andrea Arnold
Ad Vitam Distribution
Au sud-est de Londres, le comté de Kent dévoile un paysage contrasté où se côtoient stations balnéaires cossues, habitat dégradé et friches, entourés d’une campagne foisonnante. Dans cet univers hétéroclite, Bailey, 12 ans, tente de trouver un semblant de quiétude au cœur d’un mois de juillet morose. Elle évolue dans un appartement squatté, sans portes ni véritables frontières, où défilent les amis du patriarche, Bug. Ce dernier est obnubilé par une idylle naissante et un crapaud avec lequel il escompte faire fortune, accordant peu d’attention à sa progéniture. Son frère aîné Hunter est, lui aussi, pris dans les tourments de l’amour, rêvant d’un ailleurs lumineux.
En quête d’évasion, Bailey fait la rencontre fortuite de Bird, dans un cadre bucolique qui s’apparente à une parenthèse enchantée, offrant un contraste saisissant avec son quotidien chaotique. L’homme, énigmatique, est en quête de ses ori- gines, avec pour seul indice une adresse griffonnée sur un carton usé par le temps. Initialement méfiante, Bailey accepte d’embarquer Bird dans son quotidien, et de l’accompagner dans sa recherche filiale. Devant cette adolescence tumultueuse emplie de violence sociale, Bird se mue en un protecteur quasi mystique, une présence discrète qui suit Bailey dans ses errances entre tours et pavillons. Un lien invisible se tisse, Bird veillant sur la jeune fille depuis les hauteurs des gratte-ciel. Leurs rendez-vous, d’abord clandestins, se tiendront ainsi à la cime des blocs de béton. Il est encore là, lorsque Bailey rend visite à sa mère, victime d’un compagnon malveillant, dont elle s’efforce de protéger sa fratrie. Andrea Arnold précipite le spectateur dans un environnement urbain étouffant, dépeignant l’ennui oppressant de la pauvreté, l’emprise de l’alcool et de la drogue, et une adolescence écourtée par des responsabilités parentales précoces. Le tout est enveloppé dans un tumulte constant de musiques et de bruits de moteurs, ne s’apaisant qu’à la nuit tombée. Dans la juste lignée de Ken Loach, Andrea Arnold poursuit son exploration des thèmes de la jeunesse et du réalisme social. En y ajoutant une dimension fantastique, qui marque une évolution dans son travail, elle adoucit ce conte moderne tout en gardant pied dans une réalité âpre. Elle décrit avec justesse l’éveil et l’envol propres à l’adolescence, soutenue par le personnage de Bird, qui se révélera un catalyseur puissant.
Maider Darricau