Brûle le sang, actuellement en salle
Un film de Akaki Popkhadze
ARP Sélection
Presque comme une image d’Épinal, on associe désormais la Côte d’Azur à la mafia russe, mais ce serait négliger d’autres organisations de l’est de l’Europe, et tout particulièrement du Caucase – la Tchétchénie, l’Arménie et la Géorgie –, qui ont discrètement développé des activités illicites dans la région depuis les années 2010. D’origine géorgienne, le réalisateur Akaki Popkhadze a choisi, pour son premier long métrage, de dépeindre des membres de sa communauté vivant à Nice. Le jeune et pieux Tristan (Florent Hill), solide gaillard pratiquant le judo, vit chez ses parents et envisage d’entrer au séminaire pour devenir diacre, voire prêtre. Jusqu’au jour où son père, chauffeur d’un oligarque russe, est abattu par méprise. Ce décès brutal provoque le retour à Nice de son frère Gabriel, exilé depuis dix ans à Tbilissi. Un frère au passé de voyou, campé par un Nicolas Duvauchelle piqué aux hormones, qui va immédiatement chercher à venger son paternel et réactiver ses anciennes fréquentations pour y parvenir.
Et c’est ainsi que le démon de la famille va entraîner Tristan le saint dans une spirale infernale à travers la ville. En choisissant de tourner la plupart des scènes au fish eye, au plus près des corps, Popkhadze par — vient à éviter les effets de carte postale – la toute première image du film s’en défend même d’emblée. Bien entendu, Brûle le sang entraîne parfois le spectateur place Masséna, sur la promenade des Anglais ou le long des façades colorées de la cité méditerranéenne (pourquoi s’en priver ?), mais le film n’oublie pas de visiter les HLM, les zones périphériques et les délaissés urbains anti-glamour, loin des fantasmes héliotropiques. Comme si le réalisateur cherchait à rappeler aux malfrats : à quoi bon vivre dans un décor de rêve quand ça finit toujours dans un terrain vague ? Par la même occasion, Popkhadze nous fait prendre conscience que, contrairement à Marseille, Monaco, Cannes ou Saint-Tropez, Nice sert moins souvent de décor au cinéma français, alors que son potentiel est exceptionnel.
Grâce à la tension constante de sa réalisation et à un casting de canailles très convaincant (mention spéciale à Denis Lavant en baron de la drogue), Brûle le sang est un polar réussi qui n’a pas grand-chose à envier à ceux de Nicolas Boukhrief, Cédric Jimenez ou Olivier Marchal.
Rodolphe Casso