Urgence écologique : de nouveaux repères pour orienter les projets locaux
France Villes et territoires Durables invite les élus à repenser les politiques locales en conjuguant réponse aux enjeux socio-économiques et prise en compte des impératifs environnementaux. Son délégué général, Sébastien Maire, présente Cap Territoires Durables, une démarche gratuite à destination des collectivités pour bien lancer le mandat 2026–2032.
Les bouleversements environnementaux et leurs impacts socio-économiques sur les territoires imposent de repenser en profondeur les politiques locales. Une bifurcation a priori complexe pour les collectivités, sommées de relever dans le même temps quatre défis à première vue insurmontables. Le premier est le renforcement de la réponse aux besoins de la population et des acteurs économiques, alors que les inégalités se creusent (1), tant entre les habitants qu’entre les territoires. Le deuxième est un engagement des indispensables transformations de l’économie, des mobilités et de l’aménagement pour répondre aux enjeux de transition écologique et énergétique. Il faut aussi renforcer la résilience des territoires face à des phénomènes d’une ampleur et d’une gravité inédites (canicules, sécheresses, incendies, inondations, tempêtes…), dont on sait qu’ils vont augmenter en fréquence, durée et intensité. Enfin, accomplir ces transformations profondes en se pliant aux nouvelles contraintes budgétaires, dans un contexte d’instabilités juridique et réglementaire. Impossible ? Au contraire, à condition de bousculer certains de nos repères bien ancrés.
En premier lieu, dépasser le strict cadre du « développement durable », cet oxymore visant un développement sans bornes tout en ignorant la finitude des ressources de la planète sur laquelle nous vivons. De fait, le concept n’a pas permis de freiner la destruction des écosystèmes et le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) le rappelle sans détour aujourd’hui : l’enjeu est « la survie de l’humanité (2) ». Il convient dorénavant de tenir compte des limites physiques qui s’imposent aux activités humaines. Les scientifiques nous apprennent que six de ces « limites planétaires » sont d’ores et déjà dépassées. Les collectivités tiennent là une trajectoire opérationnelle. Un chemin étroit, mais balisé : la réponse aux besoins des habitants dans le respect des équilibres géochimiques qui garantissent la pérennité des écosystèmes (de l’eau en qualité et en quantité suffisante, des sols fonctionnels, des trames biologiques robustes, des pollutions limitées…) et donc le caractère habitable des territoires.
En second lieu, les réformes rassemblées sous le vocable « transition écologique » ne sont pas qu’une question de moyens supplémentaires qu’il faudrait réunir en dehors des politiques et programmes actuels. La transition, c’est avant tout la réorientation des projets déjà sur la table et des politiques déjà à l’œuvre avec les budgets alloués. Les marges de manœuvre en la matière sont importantes, si l’on prend soin d’évaluer l’impact des actions avant toute dépense (3).
Les indicateurs de référence en un seul document
Mieux connaître les nouveaux enjeux locaux et en tirer des priorités pour mieux arbitrer, c’est justement l’objet de Cap Territoires Durables (lire encadré), la démarche volontariste impulsée par France Villes et territoires Durables avec un grand nombre de partenaires engagés pour la transformation écologique des territoires. Totalement gratuite, elle a bénéficié des apports d’un large consortium d’experts scientifiques, techniques et de collectivités, afin de réunir en un seul document les indicateurs de référence pour dessiner le portrait de chaque territoire. Dans un premier temps, elle invite à renforcer la connaissance des réalités locales, en s’appuyant sur les diagnostics déjà réalisés, en les complétant le cas échéant grâce aux données des différents acteurs du territoire, pour une vision à 360 degrés : quels sont les besoins socio-économiques locaux ? Quels équilibres physiques (eau, biodiversité, climat, sols, pollutions…) ? Encadrent-ils la réponse à ces besoins ? Quels sont les risques et les vulnérabilités auxquels le territoire doit se préparer à l’avenir ? Les ressources nécessaires au projet du territoire seront-elles durablement disponibles ?
Sébastien Maire
Lire la suite de cette tribune dans le numéro 445 « Élu(e)s locaux » en version papier ou en version numérique
Crédit : Lila Castillo, D.R.
Notes :
1/ Article du Monde du 7 juillet 2025 se faisant l’écho d’une étude de l’Insee sur la hausse de la pauvreté et des inégalités : www.lemonde.fr/societe/article/2025/07/07/la-pauvrete-et-les-inegalites-au-plus-haut-depuis-trente-ans_6619650_3224.html
2/ L’ONU a qualifié le 6e rapport du Giec de mars 2023 de « guide pour la survie de l’humanité ».
3/ Rapport de l’IGF et de l’IGEDD publié le 18 juillet 2025 : L’IGF et l’IGEDD identifient 34,7 Md€ d’aides publiques susceptibles d’avoir un impact sur l’artificialisation des sols… ; quelque 20 Md€ de subventions publiques sont « à revoir en priorité »…