« C’est une chose de donner la parole aux habitants, c’en est une autre de parvenir à la prendre en compte »

Manon Loisel et Nicolas Rio sont consultants en stratégies territoriales et coauteurs de l’ouvrage Pour en finir avec la démocratie participative (Textuel, 2024). En février 2025, ils lancent la plateforme Lettres aux 500 000 (futurs) élus municipaux, afin de mettre en lumière la campagne municipale à venir et ses enjeux.

Que dire aux (futurs) élus locaux qui voudraient améliorer la participation habitante, et aux agents qui les accompagnent ? La tentation est grande, surtout en période de campagne, de se précipiter sur la dernière « innovation démocratique » à la mode (une convention citoyenne, un budget participatif, des conseils de quartier renforcés, un droit d’interpellation ouvert à tous les citoyens…). Alors commençons par le principal piège à éviter : ne cherchez pas trop vite à promettre un nouveau dispositif !

C’est pratique, l’annonce d’un nouveau dispositif participatif. Ça démontre votre volontarisme pour apporter des solutions concrètes à la crise démocratique, tout en soulignant les limites des instances existantes. Ça incarne une ambition consensuelle : (re)mettre les habitants au cœur de votre action !

L’ivresse de départ laisse progressivement place à la gueule de bois quant aux effets produits.

Le problème, c’est que cette surenchère alimente l’impuissance de la démocratie participative et finit par produire les effets inverses à ceux qui étaient recherchés au départ. D’une part, elle conduit à transformer la participation citoyenne en « politique de l’offre » (pour reprendre l’expression des chercheurs Guillaume Gourgues et Alice Mazeaud), où l’essentiel des moyens de la collectivité est consacré à faire vivre les instances qu’elle a mises en place et à convaincre les citoyens d’y participer, au lieu de partir des demandes qu’ils expriment.

D’autre part, ce foisonnement renforce la défiance des citoyens, car chaque dispositif génère des promesses qu’il est rarement en capacité de tenir. C’est une chose de donner la parole aux habitants, c’en est une autre de parvenir à la prendre en compte. C’est ainsi que l’ivresse de départ laisse progressivement place à la gueule de bois (du côté des participants comme des animateurs) quant aux effets produits, résumée par la formule « tout ça pour ça ?! ».

Pour en sortir, nous suggérons de changer d’approche en considérant que le problème ne vient pas d’un manque d’expression des citoyens (ils s’expriment déjà, même si c’est le plus souvent en dehors des dispositifs institutionnels), mais d’une forme de « surdité » sélective des institutions. L’enjeu consiste donc à déplacer la focale vers le fonctionnement interne des collectivités, pour renforcer leur capacité d’écoute. Les élus ont un rôle central dans cette redirection démocratique, que l’on peut résumer à travers trois déplacements.

« Faire parler » ou « prendre en compte » les habitants ?

L’offre participative institutionnelle peut prendre des formes très différentes, mais elle poursuit toujours le même objectif : faire parler les habitants. C’est comme cela que l’invitation est lancée : « À vous la parole ! », « Donnez-nous votre avis », « Faites-nous des propositions ! ». C’est aussi comme cela qu’elle est évaluée, en fonction de la quantité de participants, du nombre de contributions reçues lors d’une enquête publique ou de pro- positions consignées dans l’avis citoyen. Comme si ces résultats se suffisaient à eux-mêmes.

Manon Loisel et Nicolas Rio

Lire la suite de cette tribune dans le numéro 445 « Élu(e)s locaux » en version papier ou en version numérique

Crédit : Lila Castillo, Photos : D. R

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