« C’est avant tout une volonté politique : mieux connaître pour mieux agir »
Créée au printemps 2025, l’agence d’urbanisme pour le développement et l’aménagement du Cotentin et de la Manche (Audace) concrétise la volonté des élus locaux de mieux connaître et valoriser leur territoire. Son directeur, Frédéric Bezet, revient sur la genèse du projet, les ambitions de cette jeune structure et la manière dont elle entend accompagner un développement équilibré entre industrie, ruralité et littoral.
Pouvez-vous revenir sur la genèse de la création de l’agence d’urbanisme ?
Elle est née de la volonté des élus du Cotentin et de la Manche de se doter d’un outil à l’échelle du département et des EPCI [Établissement public de coopération intercommunale, ndlr], permettant de mieux connaître leur territoire. Pendant deux ans, une mission de préfiguration, soutenue par les inspecteurs généraux de l’environnement et du développement durable et la Fnau [Fédération nationale des agences d’urbanisme], a permis de mûrir le projet et de vérifier qu’il répondait à un vrai besoin. De ce « noyau dur » est née, le 22 avril 2025, l’agence d’urbanisme pour le développement et l’aménagement du Cotentin et de la Manche, qui compte aujourd’hui 24 adhérents. C’est donc avant tout une volonté politique : celle de disposer d’un outil partagé de compréhension et de reconnaissance du territoire.
Est-ce que cela représente une évolution de la gouvernance à l’échelle du Cotentin et de la Manche ?
Oui, clairement. Au départ, la réflexion concernait surtout le Nord-Manche, puis elle s’est élargie à l’échelle départementale. Le Département de la Manche est aujourd’hui adhérent, tout comme l’État, ce qui donne une dimension de gouvernance nouvelle. Jusqu’ici, cette coordination n’existait pas vraiment dans ce format et à cette échelle. L’agence permet de fédérer les acteurs autour d’une vision commune du développement territorial
La Manche est un territoire de moyenne densité, à la fois rural, littoral et touristique. Comment concilier aménagement durable et valorisation des espaces sensibles, tout en maintenant l’attractivité du territoire ?
Nous avons déjà sur le territoire une vraie culture locale de l’équilibre entre préservation et développement. Je pense, par exemple, à La Hague : un site industriel majeur mais aussi un « Grand Site de France ». Ce territoire illustre bien comment des ambivalences apparentes – entre industrie, environnement et patrimoine – peuvent devenir des complémentarités.
C’est tout l’intérêt d’une agence d’urbanisme : transformer ces tensions potentielles en leviers communs. Dans la Manche, les grandes industries – énergétiques, portuaires, agroalimentaires – coexistent avec un tissu rural et touristique. Ces « locomotives » doivent entraîner avec elles tout un réseau d’activités, urbaines ou rurales, qui façonnent le territoire dans sa diversité.
Vous présentez l’agence comme un outil d’appui plutôt qu’un échelon décisionnel. Comment définissez-vous précisément son rôle ?
C’est essentiel : l’agence ne décide pas, elle accompagne. Les communes, les intercommunalités et le Département continueront de prendre leurs décisions. Notre rôle est d’être un outil d’aide à la décision, un observatoire qui met en commun les données et les analyses nécessaires pour éclairer les choix des élus et de leurs équipes. Elle vise ainsi à documenter et objectiver la connaissance du territoire à une échelle dépassant celle des EPCI, à faire connaître les atouts de la Manche et du Cotentin – notamment leurs pôles industriels et touristiques – et à proposer des pistes d’aménagement et de développement, sans rien imposer. Enfin, un troisième volet plus prospectif consiste à anticiper les évolutions : enjeux industriels, démographiques, vieillissement de la population, recul du trait de côte, risques naturels… Il s’agit d’accompagner les politiques publiques tout en regardant à dix, vingt ou trente ans.
Vous devenez la 52e agence du réseau Fnau. Comment envisagez-vous la coopération avec les agences voisines ainsi que votre apport au réseau national ?
En étant la 4e agence de Normandie, l’intégration au réseau local et national est essentielle, car elle nous permet de travailler en réseau sur des sujets partagés – la ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN), par exemple –, mais aussi la mobilité, l’habitat ou l’économie territoriale – qui sont pour moi les sujets de coopération les plus prégnants.
Nous avons déjà des échanges concrets avec l’agence d’urbanisme de Caen Normandie (Aucame), voisine immédiate, pour mutualiser nos réflexions. J’espère que nous pourrons, à notre tour, apporter notre contribution au réseau national, notamment grâce à la richesse de notre littoral et à la diversité de nos territoires.
Cultiver des complémentarités, donc ?
Exactement. L’objectif est que chaque action sur une partie du territoire se fasse au bénéfice de l’ensemble, jamais à son détriment. C’est ce que doit incarner cette agence : un espace de dialogue et de cohérence, au service d’un développement équilibré de la Manche et du Cotentin.
Propos recueillis par Lucas Boudier
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Crédit photo : D. R.





