La Défense, quartier d’affaires et solidaires
Le territoire de La Défense attire chaque jour des centaines de personnes en état de grande précarité. Deux lieux solidaires existent pour les accueillir, les accompagner et leur dispenser soins, conseils et dignité : la Maison de l’Amitié et La Salle à Manger. Reportage.
Sous les tours de verre des champions du CAC 40, de nombreux sans-abri viennent trouver refuge dans les tunnels, parkings, locaux techniques et autres espaces invisibles disséminés au cœur de la dalle de La Défense. Le jour, certains tentent de ramasser quelques miettes des richesses du quartier d’affaires (qui concentre 2800 entreprises, 200 restaurants et 245 000 m2 de magasins), en faisant la manche, les poubelles ou en récupérant les invendus des supermarchés. Impossible de dénombrer précisément une population par essence volatile ; les estimations font état de 100 à 300 personnes qui vivraient sous la forêt de buildings, profitant de la grande accessibilité de ce hub de transports en commun.
Dans les années 1990, Geneviève Gazeau (1941−2024), cadre de la tour Elf, croise tous les jours des personnes précaires dans les couloirs du RER. La misère, cette femme charismatique l’a déjà largement côtoyée, puisqu’elle justifie d’un long parcours dans le social et l’humanitaire, des maraudes à Paris en passant par des missions en Pologne, à Chypre, au Liban ou en Bosnie-Herzégovine. En 1995, elle participe à la création des P’tits Cafés, lieux d’accueil matinaux pour les personnes à la rue, et en ouvre un à La Défense. En 1998, elle fonde la Maison de l’Amitié (1), seul accueil de jour du quartier. Au début, tout se fait à la bonne franquette, hors des normes et du cadre légal. Mais, très vite, un besoin de professionnalisation et de structuration se fait sentir. L’embauche d’un premier salarié et des subventions, émanant notamment de la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drihl), permettent à la Maison de l’Amitié de devenir officiellement un accueil de jour en 2014.
Les locaux actuels de l’association sont enclavés entre le Cnit et les « collines », ainsi que l’on surnomme ces bâtiments noirs alignés sur le flanc nord de la Grande Arche. Difficile de trouver l’endroit sans guide : il faut emprunter un tunnel piéton passant sous la place Carpeaux. Tunnel, qui, le jour de notre visite, est inondé de plusieurs centimètres par les eaux de pluie tombées toute la matinée sur le quartier – les charmes de l’urbanisme sur dalle. Juste après le souterrain, tout de suite sur la droite, un panneau discret au-dessus d’une grande baie vitrée indique l’entrée de la Maison de l’Amitié. « Nos locaux sont un peu dépassés par la situation, reconnaît le directeur de la structure, Antoine de Tilly. Quand je suis arrivé en 2017, on accueillait entre 50 et 60 personnes par jour. Aujourd’hui, c’est 217 en moyenne. La fréquentation augmente de 5 % à 7 % tous les ans. Il a donc fallu faire des petits travaux au jour le jour : ajouter des ballons d’eau chaude, des placards, des paravents, des portes… Tout s’est fait en mode puzzle, en mode urgence, dans l’attente des locaux plus adaptés auprès de Paris La Défense que nous sollicitons depuis maintenant plus de huit ans. »
Rodolphe Casso
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Couverture : Mathieu Persan
Notes :
1/ www.lamaisondelamitie.fr
2/ www.salleamanger.org





