L’école fait sa mue

Déclenchée initialement pour réduire la consommation énergétique des bâtiments, il y a une dizaine d’années, la rénovation des écoles publiques s’est accélérée.
Elle pourrait devenir un pilier des politiques urbaines, conciliant adaptation des villes au changement climatique, amélioration du cadre scolaire et vie démocratique.

La France compte environ 63 000 établissements scolaires représentant 130 millions de m², soit environ un tiers du parc immobilier public à l’échelle nationale, estimé dans son ensemble à 380 millions de m2 selon France Renov 2018. Les bâtiments scolaires constituent une part importante, voire dominante, du parc public des différentes collectivités locales. Leur rénovation est donc un enjeu important pour atteindre les objectifs de sobriété énergétique, définis au plan national par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), qu’aux différents échelons locaux. Si, à l’origine, la rénovation des bâtiments scolaires a été pensée dans une approche sectorielle de réduction de la consommation énergétique, avec comme point de départ le contrat de performance énergétique (CPE) de la Ville de Paris en 2011 pour rénover les systèmes de chauffage, d’isolation des bâtiments et d’éclairage des salles de 100 écoles, cette activité bénéficie désormais d’un ensemble de dispositifs réglementaires, techniques et financiers (1) permettant une ample mise en œuvre des projets. Les acteurs des filières de la construction et de l’énergie se sont largement saisis de ce nouveau champ d’action pour décarboner leur activité et proposer des solutions techniques innovantes et durables sur les matériaux, les équipements et les systèmes de pilotage du fonctionnement desdits équipements. Il permet aussi de reconstituer des équipes dédiées aux métiers de la rénovation des bâtiments. Enfin, de premiers dispositifs d’action publique spécifiques apparaissent : création d’une SPLA-IN (société publique locale d’aménagement d’intérêt national) consacrée à la rénovation des écoles de Marseille; création d’une filiale dédiée aux équipements publics au sein de la SERL, principal aménageur public dans la région lyonnaise. L’organisation d’un écosystème réglementaire, financier, technique et opérationnel, destiné à la rénovation des équipements scolaires, est donc, d’ores et déjà, bien installée.

Un enjeu pour soutenir de nouveaux projets éducatifs

En France, l’école est l’un des objets les plus emblématiques du projet républicain et du contrat social national, réceptacle des différentes visions qui traversent la société. En 2017, Olivier Klein, alors maire de la commune de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), chargé d’une mission interministérielle sur la rénovation du patrimoine scolaire des quartiers populaires (2), concluait son rapport ainsi : « Au-delà d’une simple modernisation, le thème de la réhabilitation des établissements scolaires invite à repenser l’école du XXIe siècle, dont les locaux ont bien souvent été construits en même temps que les quartiers qui les abritent. Il importe de rénover le bâti des locaux scolaires, mais aussi de mener une réflexion sur les services complémentaires que pourrait proposer l’école, en intégrant la question pédagogique, afin que cette modernisation se fasse en accord avec les nouveaux défis actuels. »

 

Une cour de récréation avec des jeux adaptés et un potager pour les maternelles de l’école Mélinée‑et-Missak-Manouchian (10e arrondissement de Marseille), inaugurée le 17 mai dernier.

 

Dans cette approche où il est attendu de l’école, au-delà de sa première mission d’acquisition de connaissances, un rôle d’apprentissage des relations sociales et de la citoyenneté, les enjeux clés sont ceux du bien‑être, de l’inclusion et de la solidarité. Cette vision s’alimente et s’inspire fortement des modèles ou expérimentations menées dans les pays scandinaves, au Canada ou au Japon, et elle est animée et documentée par de nombreux groupes de réflexion ou de recherche universitaires, tels que la cellule « bâti scolaire » du ministère de l’Éducation nationale, les réseaux Ville à hauteur d’enfant, initiés par Francesco Tonucci, la Canopée ou La Fabrique des communs pédagogiques. Les personnels pédagogiques qui y adhèrent sont en demande d’innovations concernant la modularité des espaces, la flexibilité des mobiliers et des équipements, la continuité dedans-dehors, le « dégenrage » des cours de récréation. Les projets de rénovation des bâtiments constituent donc des opportunités pour faire progresser ces nouvelles formes de pédagogie.

Vincent Bourjaillat

Lire la suite de cet article dans le numéro 444 « Un urbanisme français ? » en version papier ou en version numérique

Couverture : Juliette Nicot / Photo : Ryan Layechi / Ville de Marseille

Notes :

1/ Sur le plan réglementaire, la réglementation RE2020, le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) ; sur le plan financier, les programmes Edurénov de la Banque des Territoires et ACTEE de la FNCCR ; sur le plan juridique, les assouplissements apportés aux MGP (marchés globaux de performance) et la création d’un CPE (contrat de performance énergétique) avec tiers financeurs ; sur le plan technique, le réseau rénov’acteurs, etc.

2/ Rapport interministériel « Favoriser la rénovation du patrimoine scolaire des quartiers populaires pour créer une école moderne et attractive », mars 2017.

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