Qu’est ce qui fait courir les jeunes élus ruraux ?

Dans le cadre de la Caravane des ruralités organisée par le GIP Epau, le géographe Achille Warnant a mené une étude sur les jeunes maires ruraux, pour comprendre les raisons de leur engagement, avec un focus particulier sur les femmes. Pour la revue Urbanisme, il présente les grands axes de son enquête.

Lancée fin 2023 et organisée par le groupement d’intérêt public L’Europe des projets architecturaux et urbains (GIP Epau), la Caravane des ruralités (1), pilotée par Cécile Gallien (maire de Vorey-sur-Arzon, en Haute-Loire), est un dispositif itinérant visant à explorer les territoires et leurs initiatives locales. Des arrêts de trois jours permettent de rencontrer des acteurs locaux et de mener des ateliers et des visites de terrain pour travailler sur diverses thématiques comme l’industrie en ruralité (avec l’urbaniste Magali Talandier et la chercheuse Manon Loisel), ou l’habitat en ruralité (avec la chercheuse Solène Gaudin et le consultant indépendant Mikaël Dupuy Le Bourdellès). Ces experts réalisent ensuite une étude synthétique mettant en comparaison les territoires traversés. L’objectif est de valoriser les réussites rurales, mais aussi de dresser un tableau prospectif à l’horizon 2050 afin de permettre aux acteurs des territoires de se projeter tout en disposant d’éléments de comparaison à l’échelle nationale.

Dans ce contexte, si des rencontres sont naturellement organisées avec les élus locaux, l’équipe de la Caravane a souhaité mener en parallèle des recherches plus transversales sur la thématique des jeunes élus en ruralité. « Pour cela, il a fallu trouver une définition du jeune maire rural, qui est forcément arbitraire, précise Achille Warnant, géographe au GIP Epau qui dirige l’étude. Nous avons donc choisi un critère d’âge allant de 18 à 30 ans – au moment du début du mandat – dans des communes situées hors unité urbaine de plus de 5 000 habitants. »

Cette initiative, intitulée « Diagonale jeunes maires ruraux », a donné lieu à la réalisation d’enquêtes couplant observations, entretiens, analyse bibliographique, statistique et cartographique. Et ce, pour mieux comprendre ce qui conduit des jeunes à vouloir s’engager, mettre en valeur leurs actions, mais aussi éclairer les contraintes qui pèsent sur leur mandat dans un contexte de mutations profondes de l’action publique locale, de « crise des vocations » des maires, et de hausse de l’abstention.

L’étude précise : « Dans ce contexte, focaliser l’attention sur les jeunes maires ruraux présente un triple intérêt. D’une part, cela permet de compléter les connaissances existantes sur le rôle des élus locaux en mettant l’accent sur un public spécifique (les 18–30 ans) dans un cadre territorial (la ruralité) qui l’est lui aussi. D’autre part, cela donne l’occasion de valoriser l’action et l’engagement de ces jeunes qui s’investissent au quotidien pour leurs territoires. Enfin, une telle étude permet d’ouvrir une réflexion plus large sur la place des jeunes en milieu rural. »

L’auteur précise que la démarche s’inscrit dans la lignée de travaux engagés en sciences sociales ces dernières années, comme ceux des sociologues Isabelle Lacroix et Laurent Lardeux (auteurs de Jeunes et déjà maires, publié en 2022 2), mais avec une focale sur les jeunes maires ruraux uniquement et une dimension davantage orientée action publique.

Communes dirigées par un(e) maire de moins de 30 ans en 2020.Source : Répertoire national des élus, 2020. Réalisation : Héloïse Lecomte, 2025

Premier constat de l’étude : sur 34 885 maires, la part de ceux ayant 30 ans et moins en 2020 – toutes catégories territoriales confondues – est de seulement 0,78 %. Cela, alors que cette tranche d’âge représente 15 % de la population française. Cependant, on observe des différences selon la place des communes dans la hiérarchie urbaine : les 30 ans et moins représentent 0,71 % des maires des communes localisées hors d’une unité urbaine, mais 2,2 % de ceux des communes situées au sein de l’agglomération parisienne. « Ce différentiel tient certainement, en partie au moins, à la composition démographique des communes », précise l’auteur.

Le second constat d’importance est celui d’une répartition homogène des jeunes maires sur le territoire national (voir carte n° 1, ci-contre). Leur présence est toutefois plus forte en région parisienne et dans une large moitié est de la France, en particulier dans les anciennes régions Lorraine, Alsace et Franche-Comté, ainsi qu’à la frontière entre les départements de l’Allier, du Puy- de-Dôme et de la Creuse. De l’autre côté du spectre, certains (rares) départements ne comptaient aucun maire âgé de 30 ans ou moins en 2020 : Saône-et-Loire, Finistère, Landes, Aveyron.

Des jeunes femmes maires très minoritaires

Communes rurales dirigées par une maire de moins de 30 ans en 2020. Source : Répertoire national des élus, 2020. Réalisation : Héloïse Lecomte, 2025

Quant aux jeunes maires des ruralités, on les retrouve également assez bien répartis sur le territoire national, même si moins nombreux : ils sont 180 (sur les 238 maires de moins de 30 ans ou
moins). Et ce chiffre diminue de façon drastique si l’on considère uniquement les effectifs des jeunes femmes maires en ruralité : elles sont seulement 35, soit moins de 20 % de l’effectif (voir carte n° 2, ci-contre). « Ce constat m’a interpellé, reconnaît Achille Warnant. Cela signifie qu’il n’y a pas de changement par rapport aux générations précédentes. » L’auteur de l’étude a donc choisi d’orienter ses recherches sur ces jeunes femmes maires en ruralité, pour comprendre les moteurs et les freins de leur engagement.

Rodolphe Casso

Lire la suite de cet article dans le numéro 445 « Élu(e)s locaux » en version papier ou en version numérique

Crédit couverture : Lila Castillo

Notes : 

1/ https://caravanedesruralites.fr

2/ Isabelle Lacroix et Laurent Lardeux, Jeunes et déjà maires. Le prix de l’engagement dans la politique municipale, Presses universitaires du Septentrion, 2022.