Un « village Alzheimer » en expérimentation à Dax

Dans les Landes, le village Henri-Emmanuelli réinvente l’accompagnement des personnes atteintes d’Alzheimer. Ici, pas de patients, mais des villageois, un quotidien ouvert, partagé et apaisé, qui bouscule les modèles de soins et incite à envisager le vieillissement sous de meilleurs auspices.

 

En ce matin ensoleillé de la fin juillet, les habitants du village landais Henri-Emmanuelli, en périphérie de Dax, vaquent à leurs occupations : un passage à l’épicerie, une visite de voisinage, un atelier de méditation dans la médiathèque. Le salon de coiffure, en revanche, a baissé le rideau pour les vacances. Non loin de là, une mère et sa fille adolescente, valises en main, se dirigent vers un studio prévu pour les visiteurs familiaux venus passer quelques jours auprès d’un proche.

À première vue, la place centrale et ses arches ressemblent à n’importe quelle bastide gasconne. Pourtant, il s’agit d’un groupement d’intérêt public (GIP), dont l’accès demeure limité – ou presque. Cette expérimentation médicale, retenue comme « projet national » par François Hollande en 2017, est le dernier grand acte politique d’Henri Emmanuelli, ancien président du conseil départemental des Landes et reconnu pour sa fibre sociale, à qui le lieu doit son nom.

Inspiré du modèle pionnier hollandais De Hogeweyk, à Weesp, le projet, initié en 2013, a ouvert ses portes en 2020, au lendemain du déconfinement. Le village accueille 120 habitants, âgés de 45 à 104 ans, accompagnés par 120 soignants et 80 bénévoles. Depuis 2020, les deux tiers des habitants ont été renouvelés, chacun étant accompagné jusqu’à ses derniers instants. La sélection reste exigeante : absence de syndrome post-frontal – qui entraîne une forme d’agressivité – et urgence exprimée par la famille font partie des critères déterminants.

Le quartier Bas-Armagnac, l’un des quatre quartiers du village landais Henri-Emmanuelli, crédit : Sébastien Zambon

Architecture attentive

Conçu par l’agence landaise Grégoire & Champagnat avec les Danois de Nord Architects, le village s’inspire de l’architecture landaise. Quatre quartiers regroupent seize maisons de 300 m2, organisées en colocation. Chaque habitant dispose de sa chambre et de sa salle de toilette, tandis que les espaces collectifs – cuisine, salon, coin bureau – favorisent la convivialité. Pour se repérer, chaque villageois dispose d’une boîte personnalisable à l’entrée, où il peut placer objets familiers et souvenirs. Chaque détail a été réfléchi pour répondre aux besoins spécifiques liés à la maladie d’Alzheimer. L’équipe de conception, appuyée par France Alzheimer Landes, a particulièrement travaillé l’ergonomie. Les cheminements entre quartiers forment ainsi une boucle, évitant aux villageois de se retrouver dans des impasses. Les maladies neurodégénératives provoquant souvent des pertes de repères spatiotemporels, la clarté et la lumière des espaces jouent un rôle essentiel de réassurance.

Ces choix architecturaux s’opposent volontairement aux unités fermées, comme le souligne Mathilde Charon-Burnel, responsable de service DGA Grands projets sociaux et médico-sociaux au département des Landes : « Imposer un espace et un temps est une contrainte intolérable par les personnes malades, et cela génère des troubles comportementaux aggravés. Offrir une qualité de vie consiste plutôt à garantir un cadre qui préserve une véritable liberté d’action individuelle. » Le village est néanmoins sécurisé par des clôtures, quasi invisibles, bien qu’il existe une certaine porosité avec l’extérieur. « Il n’y a aucune surveillance vidéo, il faut accepter une part de risque », affirme l’architecte Nathalie Grégoire. La signalétique est également différenciée, et s’appuie sur un système de couleurs pour faciliter les repérages.

Maider Darricau 

Lire la suite de cet article dans le numéro 446 « Territoires du soin » en version papier ou en version numérique

Couverture : Mathieu Persan

Crédit photo : Sébastien Zambon

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