Estelle Durand : « Nos textes sont très marqués par les lieux »

À l’occasion des 15 ans des éditions Asphalte, Estelle Durand, sa cofondatrice, revient sur les livres et les auteurs qui ont marqué le catalogue, avec pour fil rouge des environnements urbains aussi marquants que différents.

Comment s’est décidée la création des éditions Asphalte ?

La maison d’édition a été créée en 2010 par Claire Duvivier et moi-même ; nous avions envie de rassembler dans un même catalogue des textes qui seraient très marqués par l’esprit des lieux, qui refléteraient notre goût commun pour les villes et le voyage. C’était un projet éditorial avant même d’être commercial, avec une identité très ancrée, au départ, dans la littérature étrangère et des textes très urbains. Toujours sous la forme de fictions.

Quels ont été les premiers points d’accroche pour lancer Asphalte ?

Il y en a eu deux. Tout d’abord, la collection des « villes noires ». Celle-ci existait depuis plusieurs années aux États-Unis, publiée par un éditeur indépendant de Brooklyn – Akashic Books. Je suis tombé, au fil de mes recherches, sur un recueil de nouvelles intitulé London Noir. Je l’ai énormément apprécié, d’autant plus que la direction d’ouvrage était assurée par Cathi Unsworth, autrice anglaise que j’adore. Et c’est ainsi que nous avons découvert l’existence de toute une collection de nouvelles de polars axées sur les villes et conçues comme des guides de voyage. Car, il y a, à chaque fois, une nouvelle pour chaque quartier, écrite par des auteurs locaux. C’est un concept auquel nous avons totalement adhéré et nous avons ainsi acquis la licence pour traduire et vendre en France ces livres. À l’époque, outre Londres, il y avait un recueil sur Los Angeles et Paris. Ce dernier a connu un trajet étrange puisqu’il a d’abord été publié aux États-Unis par Akashic Books, avant d’être traduit en Français par nous…, sachant que les auteurs étaient français puisque le directeur d’ouvrage, Aurélien Masson, directeur de la collection « Série noire » [chez Gallimard, ndlr], avait réuni autour de lui la crème du polar parisien: DOA, Chantal Pelletier, Salim Bachi, Jean-Bernard Pouy, Didier Daeninckx… Pour nous, c’était parfait pour lancer notre collection, avec autant de grands noms.

Et le second point d’accroche ?

En parallèle des « villes noires », nous avons publié des romans étrangers qui étaient souvent issus de nos lectures personnelles de voyage. C’est ainsi que le premier que nous avons lancé était Chat sauvage en chute libre, découvert par Claire Duvivier lors d’un voyage en Australie. Il n’avait jamais été publié en France, alors que c’était le premier roman écrit par un aborigène, du nom de Mudrooroo. Ce livre a un statut de classique moderne. Ensuite, il y a eu Pomme, un ovni d’un jeune auteur anglais sulfureux, Richard Milward, qui a décidé d’écrire l’histoire d’Adam et Ève de nos jours, avec toutes les tentations et les fruits défendus de notre société contemporaine.

Par la suite, nous avons mis le doigt sur un vivier : les auteurs d’Amérique du Sud, et notamment les Argentins, comme Roberto Arlt [1900–1942], qui est considéré comme l’inventeur de la littérature urbaine. Il a commencé sa carrière dans les années 1930 en écrivant dans le quotidien local El Mundo. Il devait y écrire chaque jour une chronique, et c’est ainsi qu’il a démarré sa série des « Eaux-fortes », qui sont des esquisses de Buenos Aires et de ses habitants, usant souvent d’un humour corrosif. Il était vraiment l’écrivain de sa ville. Il a aussi signé des romans très connus comme Les Sept Fous, Les Lance-Flammes, parus tous deux chez Christian Bourgois, en France, mais personne ne s’était jamais intéressé chez nous à ses Eaux-fortes de Buenos Aires.

Propos recueillis par Rodolphe Casso

Lire la suite de cet article dans le numéro 444 « Un urbanisme français ? » en version papier ou en version numérique

Couverture : Juliette Nicot

 

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