« La mobilité devrait être l’obsession de l’action locale »
Jean-Marc Offner, président des conseils stratégiques de l’École urbaine de Sciences-Po et de POPSU, évoque les grands enjeux de demain pour la mobilité, problématique universelle des villes et des territoires qui touche directement aux conditions de la vie économique et sociale.
Faire vivre la démocratie locale n’a jamais eu autant d’importance. Surtout si nos futurs élus sont prêts à apprendre, prêts à se débarrasser de leurs préjugés, d’où qu’ils viennent : leurs expériences personnelles, leurs bonnes ou mauvaises lectures, les fiches-repères de leur parti politique, l’air du temps…
Un bienveillant lavage de cerveau s’avère donc nécessaire ! Il doit vous permettre d’actualiser et d’adapter vos référentiels. Un conseil préalable pour cet aggiornamento : il faut le faire dès
maintenant ! Après votre élection, ce sera trop tard… J’ai rencontré moult élus locaux. Tous m’ont avoué ne plus avoir le temps, le temps pour lire, écouter, discuter, réfléchir. Quelques rares bouffées d’oxygène, parfois, pour les plus sages ou les mieux organisés. Alors, prenons les devants.
Mouvements
La mobilité, tout le monde en parle, chacun a son avis, fort de ses 3,5 déplacements par jour. C’est l’un des sujets de conversation préférés au café du matin, également omniprésent au sein des instances territoriales. Les documents de planification s’y intéressent. Les budgets municipaux et intercommunaux s’en préoccupent : la voirie, les transports collectifs, cela coûte très cher. Et les productions législatives, nombreuses en ces matières, accaparent régulièrement les agendas politiques.
Les questions de mobilité sont phagocytées par le petit monde des transports.
Attention, je vous parle de mobilité, pas seulement de transport ! Les transports, ce sont les infrastructures et ce qui y circule, ni plus ni moins. La mobilité, c’est la manière dont les activités des individus se déploient dans l’espace et dans le temps. Les architectes construisent, les urbanistes et les paysagistes agencent l’espace. Mais c’est la mobilité qui fait fonctionner ces organisations spatiales, qui tisse des liens entre les lieux, qui met des flèches entre les territoires. À quoi sert l’anatomie, si on oublie la physiologie ? !
Ainsi comprise, la mobilité touche directement aux conditions de la vie économique et sociale. Elle rend possible, ou pas, entre sédentarité et mouvement, entre proximité et distance. La mobilité devrait être l’obsession de l’action locale. C’est mon premier message. Pour concrétiser cette ambition, il conviendra de bouger quelques lignes… Voici quatre autres suggestions pour ce faire.
Organisation du travail politique
Des vies mobiles dans des territoires en mouvement. Prendre toute la dimension de ce phénomène ne va pas de soi, car les questions de mobilité sont phagocytées par le petit monde des transports. Jusqu’en 2019, nous connaissions les autorités organisatrices des transports (AOT). Cette dénomination faisait comprendre à chacun que leur mission s’arrêtait au développement et à la gestion des transports collectifs. Mais un petit hold-up sémantique a été opéré, à la faveur de la loi d’orientation sur les mobilités de décembre 2019. Les AOT sont devenues AOM (autorités organisatrices de mobilité), laissant ainsi supposer qu’elles récupéraient certaines compétences stratégiques (les voiries et leur exploitation, le stationnement…), les mettant en mesure de piloter des politiques globales de déplacement. Ce n’est pas le cas. Il y a de gros trous dans la gouvernance !
Jean-Marc Offner
Lire la suite de cette tribune dans le numéro 445 « Élu(e)s locaux » en version papier ou en version numérique
Crédit : Lila Castillo, D. R.
Notes :
1/ Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines