50 cartes à voir avant d’aller voter
Aurélien Delpirou et Frédéric Gilli
Autrement, 2022
Aurélien Delpirou et Frédéric Gilli le savent mieux que quiconque : la géographie, ça sert d’abord à faire la guerre.
De l’ouvrage éponyme d’Yves Lacoste, paru en 1976, ils ont conservé la double conviction que la géographie et les cartes sont un « savoir stratégique » au service des dirigeants politiques et que les géographes ont de ce fait des responsabilités vis-à-vis de la société.
En pleine période pré-électorale, ils s’adressent aux électeurs autant qu’ils interpellent les candidats à la présidentielle sur différents constats ou idées reçues qui structurent les débats.
Sans introduction sinon un court avant-propos, ni conclusion – faut-il le regretter ? –, 50 cartes avant d’aller voter est conçu comme un atlas en cinq chapitres qui sont autant de questions, dont quatre sont clos par un « regard » (les historiens Sylvain Kahn et Céline Regnard, les sociologues Anaïs Collet et Renaud Epstein).
Il présente 50 doubles-pages, cartes/ infographies (signées Mélanie Marie et Hugues Piolet) et commentaires en vis-à- vis ponctués de verbatim (Clémence Perronnet, Hervé Le Bras, Jean-Claude Driant…). Le tout synthétisant des analyses complexes pour apporter des réponses simples et illustrées. Ainsi à la question « La France est-elle en déclin ? », il est notamment répondu « Un pays riche dans un monde en transition », « Une démographie qui s’essouffle » ou « Du travail… pas pour tout le monde ». À la suivante « C’était mieux avant ? », les auteurs exposent « Le renouveau des campagnes », « Familles en recomposition » ou « Vers le multiculturalisme ? ».
Peut-être au risque d’un possible malentendu (la volonté « d’objectiver » pouvant par certains atours être perçue comme une parole militante), mais ce serait faire un nouveau procès en sorcellerie idéologique de géographes animés d’une ambition responsable.
L’ouvrage est d’une grande homogénéité et pertinence, et s’il aurait sans doute mérité des représentations cartographiques moins conventionnelles, plus audacieuses, il invite le lecteur à de nouvelles perceptions, lui ouvre de nouvelles perspectives. Certains concepts qui irriguent les discours académiques ou politiques en sortent éreintés, telle la fumeuse « diagonale du vide » qui jamais n’apparaît.
Une lecture citoyenne.
Julien Meyrignac
128 pages, 12,90 euros