800 jours au ministère de l’impossible L’écologie à l’épreuve du pouvoir
Léo Cohen
Les Petits matins, 2022, 144 pages, 15 euros
Conseiller parlementaire de la secrétaire d’État chargée de la Biodiversité Barbara Pompili (2016–2017), puis conseiller spécial du ministre de l’Écologie François de Rugy (2018–2019), le jeune militant vert Léo Cohen s’est illustré en étant l’un des organisateurs de la Convention citoyenne pour le climat, qui n’a pas obtenu les résultats escomptés (y compris par ses défenseurs). Aujourd’hui consultant indépendant, il a retrouvé une liberté de ton qui lui permet de revenir avec lucidité sur son expérience de 800 jours à l’hôtel de Roquelaure, siège du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
Récent dans l’architecture gouvernementale de l’État, ce ministère « transversal » – qui plus est à l’heure actuelle où il est question d’une planification écologique pilotée depuis Matignon – a été baptisé « ministère de l’impossible » par son premier titulaire, Robert Poujade, de 1971 à 1974. Il est vrai que, comme le rappelle l’auteur, les obstacles sont encore actuellement très nombreux en France pour mettre en œuvre une politique nationale écologique, eu égard à la culture administrative et au fonctionnement institutionnel de la Ve République, qui laissent peu de place à la concertation avec les corps intermédiaires – tant le pouvoir exécutif se méfie des « contre-pouvoirs » –, si ce n’est aux lobbys industriels, tant décriés par nombre de titulaires du portefeuille environnemental depuis longtemps (souvenons-nous de Delphine Batho en 2012–2013…).
À travers douze chapitres courts et parfaitement structurés – aussi clairs et concis que ses notes ministérielles –, Léo Cohen revient avec franchise et sans tabou sur les principales difficultés de l’écologie à l’épreuve du pouvoir national : la concurrence dans les temps politique et climatique, les effets d’annonce sans véritables moyens dédiés, l’incohérence et la non-hiérarchisation des priorités, les entraves du pouvoir bureaucratique… Nous nous retrouvons ainsi de manière passionnante au cœur de la machinerie gouvernementale, à l’heure de la crise des « gilets jaunes », des polémiques sur les tarifs de l’énergie et des décisions difficiles en matière d’interdiction des néonicotinoïdes et du projet minier de la Montagne d’Or en Guyane. Pour finir, Léo Cohen formule des propositions concrètes pour faire évoluer nos pratiques de gouvernance, en laissant plus de place à la concertation citoyenne et en proposant des solutions pour déjouer les stratégies des lobbys.