À Arles
Collectif Othon
(Éditions Divergences, 2023, 176 pages, 16 euros)
Onze rédactrices et rédacteurs investissent une ville française moyenne. Après une première séquence à Valenciennes, le collectif Othon s’invite dans les Bouches-du-Rhône en terres arlésiennes. L’ancienne ville industrielle qui s’est tournée vers le secteur culturel dans les années 1980 n’est plus une terre d’accueil pour les classes populaires, déplore l’une de ses plus anciennes habitantes. « Je m’accroche au souvenir que c’était populaire, maintenant c’est que des internationaux ultrafriqués qui y résident trois mois dans l’année, au mieux six. »
La fondation Luma, financée par Maja Hoffmann en est le dernier exemple en date. La tour construite par l’architecte Frank Gehry « est la figuration concrète d’inégalités économiques majeures : inégalité entre sa propriétaire milliardaire et les 42 % d’Arlésiens vivant sous le seuil de pauvreté. » Il y a Vincent, qui raconte le mépris de cette culture élitiste portée par Actes Sud, l’emblématique maison d’édition arlésienne.
« À l’époque des usines, Madame, le théâtre, il était rempli d’ouvriers », lance-t-il à sa directrice de l’époque, Françoise Nyssen, se targuant d’avoir rapporté la culture dans la cité. Arles, c’est aussi les traditions camarguaises : les toros ; les flamants roses, sauvés, selon la légende, par l’ornithologue et héritier de l’empire pharmaceutique Lukas Hoffmann, et le provençal, que l’on tente de transmettre de génération en génération.
Enfin, il y a le Arles dont on ne parle que dans la rubrique faits divers de La Provence. Le quartier de Barriol, où l’on conseille au visiteur de bien fermer ses poches lorsqu’on en arpente les rues – qui mériteraient l’attention et le financement des pouvoirs publics. Le Arles périurbain et précaire, ses enseignes aux couleurs criardes, les maisons en piteux état ; les petits boulots qui s’enchaînent pour faire face au travail qui s’est déplacé à Saint-Martin-de-Crau, enfin les conflits entre Arlésiens ancestraux et les communautés nouvellement arrivées. Et comme tout territoire en 2023, Arles parle tiers-lieu, transition écologique et projets à impact. Un portrait social bien loin des mondaines Rencontres d’Arles, qui fait assurément écho aux maux des villes moyennes, tant les soucis de la « petite Rome des Gaules » reflètent un mal français.
Maider Darricau