Un film d’Éric Gravel
Haut et Court
Ceci n’est pas un film d’action avec Bruce Willis courant à travers la ville pour contrecarrer une entreprise terroriste, mais un drame montrant la vie d’une mère divorcée installée à la campagne et travaillant au cœur de Paris. Pourtant, l’intensité est la même.
Lorsque la SNCF se met en grève, le cauchemar commence pour Julie (Laure Calamy) qui doit rejoindre chaque jour le palace dans lequel elle travaille comme femme de chambre. Tout en s’occupant de ses enfants. Tout en essayant de joindre son ex-mari qui tarde à payer la pension alimentaire. Tout en expliquant au banquier que l’argent va arriver. Tout en organisant l’anniversaire du petit dernier. Tout en préparant un entretien d’embauche pour un job plus conforme à ses aspirations. Mais après tout, n’est-ce pas l’ère du « en même temps » ? Julie (sur)nage en plein dedans.
Accompagnée par une musique électronique oppressante signée Irène Drésel, la cavalcade de notre travailleuse de l’extrême est une succession de montagnes russes que le citadin ne connaît que trop bien : train attrapé in extremis, incident voyageur, RER annulé, bus de remplacement, embouteillage, météo exécrable…
Sachant que pour Julie, le télétravail préconisé par le gouvernement n’est pas de mise. L’une de ses collègues déclare même avec philosophie : « Quand on pourra nettoyer une cuvette de chiottes derrière un ordinateur… » Bientôt, c’est au tour des soignants de se mettre en grève, puis des policiers, puis des étudiants…
Le pays est paralysé. Mais Julie doit continuer d’avancer même si, d’agressions de la vie en imprévus du quotidien, on redoute en permanence qu’elle n’explose sous nos yeux.
Bien sûr, les règles du jeu vont se durcir toujours un peu plus, avec toujours moins de RER, des taxis hors de prix, sinon des séances d’auto-stop sous l’averse quand tous les recours de la mobilité ont été épuisés.
Quoi qu’elle tente, Julie est en retard tout le temps, que ce soit pour récupérer ses enfants chez la nounou retraitée – qui menace de la lâcher –, que pour pointer à l’heure au palace – sa supérieure menace de la licencier. Mais c’est aussi son choix de vivre à la campagne tout en travaillant dans le centre d’une grande ville qui est ici questionné ; son entourage lui fait bien remarquer. Ce à quoi elle répond que se rapprocher signifierait vivre dans un clapier…
Le spectateur sortira lessivé de cette expérience plus intense qu’un épisode de 24 heures chrono, plus redondante qu’Un jour sans fin, et qui s’appelle « la vraie vie ».