« Au Maghreb et au Moyen-Orient »

 

Ce bel ouvrage démontre la vita­li­té de la recherche en langue fran­çaise sur les villes d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Cet ouvrage ras­semble les contri­bu­tions de plus de cent auteurs fran­co­phones, prin­ci­pa­le­ment issus d’universités françaises.

Beau­coup sont géo­graphes, d’autres sont socio­logues, urba­nistes, éco­no­mistes ou encore démo­graphes. Cet ouvrage a été réa­li­sé en hom­mage à deux géo­graphes qui ont impul­sé plu­sieurs géné­ra­tions de tra­vaux, les pro­fes­seurs Pierre Signoles et Jean-Fran­çois Troin de l’université de Tours.

Leur centre de recherche, Urba­ma, aujourd’hui équipe « Monde arabe et Médi­ter­ra­née » de l’UMR Citeres, est un lieu majeur de la recherche sur ces thé­ma­tiques. Les cinq pilotes de l’ouvrage sont aujourd’hui membres de cette équipe.

Cet abé­cé­daire com­bine dif­fé­rents types d’entrées. Tout d’abord des entrées par ville, d’Abou Dha­bi à Tunis. Au total, 44 villes sont pré­sen­tées, dont deux en couple : Homs et Hama ain­si que Ceu­ta et Melil­la. Les pré­sen­ta­tions, de deux à cinq pages, sont très péda­go­giques. Ces notices par ville sont sou­vent accom­pa­gnées de cartes réa­li­sées selon la même métho­do­lo­gie, mais non toutes, ce qu’on peut regret­ter. Ensuite, des entrées sont consa­crées à des caté­go­ries d’espaces urbains : les cime­tières, les places, les ports, les jar­dins, les centres com­mer­ciaux, les camps de réfu­giés, etc. Enfin, un troi­sième type d’entrées est pro­po­sé pour des notions ou thé­ma­tiques : quar­tiers pré­caires, déchets, pèle­ri­nages, com­mu­nau­tés, jeu­nesse, agri­cul­ture urbaine, rentes, etc. On trouve éga­le­ment de courts encarts qui pro­posent des éclai­rages sou­vent ori­gi­naux et per­cu­tants autour d’œuvres lit­té­raires (Istan­bul, sou­ve­nirs d’une ville, d’Orhan Pamuk), de thé­ma­tiques sociales (l’exclusion des femmes de l’héritage en Jor­da­nie) ou encore de films (Home­land : Irak année zéro).

Cet ouvrage forme donc une syn­thèse utile des connais­sances dis­po­nibles. Le lec­teur trouve une biblio­gra­phie abon­dante pour pour­suivre ces réflexions. Un choix édi­to­rial peut intri­guer : les pho­to­gra­phies, nom­breuses et choi­sies avec soin, ne sont légen­dées qu’en fin d’ouvrage, ce qui ne faci­lite pas la lec­ture de ce livre assez volumineux.

Enfin, il nous semble que cet ouvrage en appelle un second. La forme de l’abécédaire révèle les pleins et les vides de la recherche urbaine sur la Tur­quie, l’Iran, Israël et les pays arabes. Il illustre les dif­fi­cul­tés de mener des recherches dans des pays sou­mis à d’insoutenables vio­lences, de la Libye à la Syrie ou du Yémen à l’Irak. De plus, de nom­breux régimes auto­ri­taires et cor­rom­pus rendent la pra­tique du ter­rain très dif­fi­cile, voire tem­po­rai­re­ment impossible.

Quels sont alors les sujets de recherche prio­ri­taires et les moyens à pri­vi­lé­gier pour les mener ? La lec­ture indi­vi­duelle de cet ouvrage per­met d’esquisser quelques pistes, mais nul doute qu’une réponse per­ti­nente implique de ras­sem­bler un col­lec­tif aus­si vaste que celui que les ini­tia­teurs de cet abé­cé­daire ont su ani­mer avec succès.

Béné­dicte Flo­rin, Anne Madoeuf, Oli­vier San­mar­tin, Roman Stad­ni­cki et Flo­rence Troin, coll. « Villes et ter­ri­toires », Presses uni­ver­si­taires Fran­çois-Rabe­lais, 2020
438 pages, 39 euros