Aux frontières du logement ordinaire
Julien Damon
(L’aube, Fondation Jean-Jaurès, 2022, 160 pages, 18 euros)
L’ouvrage propose un regard inédit sur les politiques de l’habitat en s’intéressant à l’hébergement. Au sens premier, héberger signifie loger quelqu’un chez soi. Selon l’enquête Logement de l’Insee de 2013, près d’un adulte sur sept vit chez un parent, un conjoint ou toute autre personne. À ces hébergés « à titre privé », il faut ajouter tous ceux qui passent une ou plusieurs nuits dans des structures aidées par la puissance publique, au sein de centres d’hébergement et de réinsertion sociale, de foyers de demandeurs d’asile, de jeunes travailleurs ou de travailleurs migrants, d’établissements pour personnes âgées dépendantes, d’hôtels payés par l’État, etc. Selon l’auteur, ce secteur de l’hébergement emploie environ 800 000 personnes et représente 1,8 % du PIB en 2018, chiffres en augmentation constante depuis trente ans. Autre donnée marquante : chaque nuit, environ une personne sur cinq logées à l’hôtel en Ile-de-France est sans domicile.
Cet accroissement considérable de l’hébergement interroge. L’ouvrage revient sur la mécanique d’extension continue du secteur de l’hébergement. Pour la restituer, sigles et acronymes – que le lecteur saura distinguer, s’il ne le sait déjà – s’accumulent, dates et chiffres sont nombreux. L’écriture claire et pédagogique de Julien Damon facilite l’accès à ces informations arides. La politique de l’hébergement évolue en fonction de différentes politiques publiques voisines, notamment celles du logement et de l’action sociale. Elle navigue au gré des questions que la société française se refuse à regarder avec lucidité, notamment le vieillissement et l’immigration. Aussi, cette politique est-elle tout à la fois coûteuse et décriée.
Julien Damon conclut son livre avec quinze propositions. Certaines propositions sont aisées à mettre en œuvre : « Placer une sonnette d’entrée devant chaque chambre. Idée simple, à retentissement important pour la dignité des personnes. » D’autres feront l’objet de débats virulents : « Expérimenter des “bons” ou “chèques” d’hébergement permettant d’évaluer ce que feraient les ménages des sommes dépensées en leur faveur. » Dans tous les cas, ce livre est une base nécessaire et utile pour qu’un débat éclairé puisse enfin se tenir.
Xavier Desjardins