Coopérer par la métropole. L’agilité d’un pragmatisme brestois ?
Lionel Prigent, Marthe Le Moigne
(Autrement/POPSU, 2023, 112 pages, 7,50 euros)
La collection des « cahiers POPSU » (Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines) consacrée aux métropoles se poursuit avec un précieux volume consacré à la métropole brestoise, rédigé par Lionel Prigent (professeur à l’Institut de géoarchitecture) et Marthe Le Moigne (maître de conférences en droit public), tous deux rattachés à l’université de Bretagne-Occidentale.
Petite par la population et le poids économique, en comparaison des autres métropoles créées par la loi il y a près d’une dizaine d’années, Brest se caractérise par une coopération territoriale exemplaire, faite de pragmatisme et de patience, car sachant s’armer du sens de l’opportunité pour aboutir à une stratégie urbaine cohérente. Celle-ci s’appuie sur le passé tourmenté d’un territoire fortement marqué par son statut de grand port militaire, sa relation à l’arsenal et à la marine nationale, ayant connu des enjeux aigus de reconstruction urbaine et une relation dépendante de l’État, dans un contexte régional (le « Finistère » de l’Ouest breton) qui n’a pas toujours été aussi porteur qu’aujourd’hui.
À partir de travaux universitaires, d’archives et de témoignages, ce court mais dense essai propose de mieux comprendre ainsi cette « ambition brestoise qui vient de loin », à travers la longue expérimentation de la communauté urbaine (par la loi de 1966, au même titre que Lyon, Lille, Bordeaux et Strasbourg), qui a conduit à une affirmation métropolitaine jugée légitime par le législateur en 2014.
Cette stratégie métropolitaine a été depuis mise à l’épreuve, sous des vents parfois contraires, à travers une diversité de configurations géographiques, d’atouts territoriaux et de gouvernance. Accompagné par l’État, le choix d’outils publics d’aménagement et d’urbanisme – que les auteurs assimilent à une « ingénierie brestoise » – a permis à la fois un vrai dialogue entre communes voisines et la réalisation de projets urbains phares, tel que le téléphérique, qui a changé le point de vue des habitants sur leur ville. Dans cet Ouest breton longtemps vécu comme lointain et déshérité, la Métropole de Brest a permis de construire un espace territorial équilibré, doté de politiques publiques structurantes et intégrées, au point que les auteurs se demandent s’il n’est pas devenu un modèle pour d’autres métropoles « à taille humaine ».
Damien Augias