Démocratie contre écologie ? Les obstacles sociaux à la transition écologique et solidaire
Salvador Juan
Le Bord de l’eau, 2022, 215 pages, 18 euros
Dans cet ouvrage de réflexion sociologique et d’histoire de la pensée, l’enseignant-chercheur Salvador Juan, professeur de sociologie à l’université de Caen, propose d’analyser les principaux obstacles à la nécessaire transition écologique. Celle-ci est devenue en effet indispensable à la survie de notre modèle social, afin d’éviter les désastres auxquels le productivisme et le libre marché conduisent inéluctablement. Influencé par des penseurs tels qu’André Gorz, Ivan Illich, Jacques Ellul ou Bernard Charbonneau, l’essai de Salvador Juan cherche à comprendre comment sortir d’une démocratie consumériste, marquée par la culture de l’abondance, en analysant toute une série d’obstacles culturels, sociaux, économiques, démographiques ou technologiques qui lui sont intimement liés.
Centrant son propos sur de vastes champs d’expérimentations, à la fois dans le mouvement de l’économie sociale et solidaire et dans les politiques de préservation de l’environnement (parcs naturels, réserves nationales, zones protégées…), le sociologue considère que, malgré leur utilité, ces actions ne permettent pas, en réalité, d’aller à la source des fondements du productivisme. Comme de nombreux militants écologistes, l’universitaire estime que le poids des lobbies, la prégnance des emplois industriels et de l’urbanisation, ainsi que l’importance des transports de longue distance dans la logistique des chaînes d’approvisionnement sont encore des tendances trop fortes des modèles économiques de nos sociétés occidentales pour qu’une véritable transition écologique puisse opérer de manière fondamentale. S’ajoutent à cela les contradictions entre le temps long des phénomènes climatiques et le temps court (et à bien des égards dérisoire) du cycle électoral et politique, ainsi que l’invisibilité relative de certains désastres écologiques en cours. De manière convaincante, Salvador Juan conclut en affirmant que la transition écologique, qui doit encore trouver une voie démocratique pour une meilleure acceptabilité sociale, sera solidaire ou ne sera pas. Autrement dit, elle ne se concrétisera pas sans tenir compte des inégalités socio-économiques de classe – en particulier entre générations –, mais aussi territoriales et mondiales. Un essai important à lire avec un œil lucide, mais combatif.