
Faouzi Bensaïdi
(Sophie Dulac)
Ils vont et ils viennent dans le désert marocain, en costard-cravate, à bord d’une Renault 18 bordeaux. Ensemble, Mehdi et Hamid forment un bel attelage de pieds nickelés. On pense même à Jo et Averell Dalton : le rusé teigneux et le grand imbécile.
Employés d’une agence de recouvrement, ils vont de village en village, dans des régions toujours plus reculées, pour obliger paysans, mineurs, chômeurs ou éleveurs à payer leurs dettes. Leurs méthodes sont celles d’arnaqueurs à la petite semaine ; il n’est pas rare qu’ils repartent avec un tapis, une chèvre ou un sac de khôl en guise de paiement.
Côté vie privée, la situation n’est pas plus glorieuse. Mehdi tente d’élever sa fille avec l’aide de sa mère, sa femme ayant mis les voiles depuis un moment. Hamid essaye de briller tant bien que mal devant les parents de sa future épouse. Formant le plus mauvais binôme de recouvreurs de leur société, nos deux guignols risquent même de perdre leur emploi s’ils ne parviennent pas à faire davantage cracher les pauvres au bassinet.
Déserts est un film sur la décrépitude et la perte du lustre. Partout, les choses comme les gens menacent de s’effondrer. À plusieurs reprises, des personnages secondaires y vont de leur couplet sur le thème du « c’était mieux avant ».
C’est donc un climat de récession générale qui règne sur le très beau long métrage de Faouzi Bensaïdi, qui n’omet pas d’évoquer la consommation d’alcool et la prostitution. Pourtant, aussi rêche et rocailleux soient ses paysages, une grande majesté s’en dégage, avec des plans à la John Ford absolument étourdissants. Certaines prises de vues particulièrement ludiques laissent le spectateur chercher nos deux héros dans les dédales de villages filmés en plan large.
Dans sa deuxième partie, Déserts se mue en un western contemplatif après que nos deux escrocs ont croisé la route d’un recouvreur bien plus redoutable qu’eux : Zemmouri le mafieux, caïd de la région. Le film oscille alors entre errance et traque à une cadence lancinante pour s’achever sur une note profondément mélancolique, mâtinée de mysticisme, aux frontières du conte arabe.
Rodolphe Casso