Nico­las Nova
(Le Pom­mier, 2023, 174 pages, 18 euros)

Anthro­po­logue fran­co-suisse et pro­fes­seur à la Haute École d’art et de desi­gn de Genève, Nico­las Nova pro­pose avec ce livre ori­gi­nal une com­pi­la­tion de ses notes de voyage, de lec­ture et d’observation aux quatre coins de la chaîne alpine, à la fois en France et en Suisse, mais aus­si en Ita­lie, en Autriche et en Allemagne.

Le tout se pré­sente comme une enquête frag­men­taire sur les méta­mor­phoses en cours au cœur du « châ­teau d’eau de l’Europe » : gla­ciers en recul, effon­dre­ments géo­lo­giques (en rai­son de la fonte du per­ma­frost), éro­sion de la bio­di­ver­si­té, contro­verses sur la pré­sence du loup, pol­lu­tions atmo­sphé­riques, pres­sion fon­cière et démo­gra­phique, périodes d’enneigement plus courtes… Les consé­quences sociales des bou­le­ver­se­ments géo­po­li­tiques ne sont pas oubliées, puisque les Alpes sont, comme la Médi­ter­ra­née, tra­ver­sées par des migrants, des réseaux d’aides ayant été orga­ni­sés loca­le­ment pour les accueillir, non sans ren­con­trer cer­taines résistances.

S’inscrivant dans la tra­di­tion lit­té­raire du « voyage dans les Alpes », cet ouvrage très agréable à par­cou­rir ne suit pas un iti­né­raire par­ti­cu­lier, mais nous per­met de com­prendre, au hasard d’étapes et par l’intermédiaire de bribes de conver­sa­tion avec les habi­tants, com­ment ce grand mas­sif – long­temps per­çu par les pre­miers tou­ristes (au sens du « Grand Tour » mené par les élites bri­tan­niques des XVIIIe et XIXe siècles) comme un « ter­rain de jeu » (Les­lie Ste­phen) pré­ser­vé et idyl­lique – est deve­nu un des ter­ri­toires euro­péens les plus concer­nés par les crises envi­ron­ne­men­tales et climatiques.

Cela ne serait pas aus­si sin­gu­lier si Nico­las Nova n’avait pas éga­le­ment truf­fé ses billets de récits sur les rites et légendes sans cesse réin­ven­tés par les dif­fé­rentes cultures des peuples alpins. Les « frag­ments » mon­ta­gnards ras­sem­blés dans cet ensemble subli­me­ment hété­ro­gène (extraits de contes, recettes de cui­sine, péré­gri­na­tions pédestres et fer­ro­viaires…) sont autant d’illustrations et de traces des muta­tions en cours des pay­sages et des popu­la­tions des vallées.

Un témoi­gnage impor­tant sur les manières d’habiter un ter­ri­toire mon­ta­gneux, s’enrichissant de cultures diverses et sug­gé­rant des réflexions inté­res­santes sur des soli­da­ri­tés nou­velles (beaux exemples de ges­tion par­ta­gée des alpages…) et, plus lar­ge­ment, sur notre rap­port à l’environnement natu­rel et à notre ima­gi­naire des hauteurs.

Damien Augias