Éloïse Libou­rel, Mat­thieu Scho­rung et Pierre Zembri

Armand Colin, 2022, 288 pages, 27 euros

Écrire une géo­gra­phie des trans­ports aujourd’hui semble rele­ver de la gageure, tant le sec­teur – « com­pris comme l’ensemble des moyens maté­riels et des ser­vices per­met­tant les dépla­ce­ments », selon les auteurs –  a consi­dé­ra­ble­ment évo­lué ces der­nières années, de façon aus­si subite que dis­rup­tive (si l’on pense au phé­no­mène de « l’ubérisation », deve­nu un idéal-type d’une révo­lu­tion éco­no­mique et numé­rique). Éloïse Libou­rel, Mat­thieu Scho­rung et Pierre Zem­bri réus­sissent ce tour de force en pro­po­sant une syn­thèse tout à fait neuve des enjeux de la mobi­li­té au XXI^e siècle, du point de vue des ter­ri­toires, des échelles et des acteurs, pour reprendre l’excellent sous-titre de ce manuel qui fera date.

Tout l’intérêt de cet ouvrage réside dans les pers­pec­tives qu’il trace, d’abord au niveau épis­té­mo­lo­gique, en pro­po­sant d’actualiser une géo­gra­phie des trans­ports jadis presque uni­que­ment fon­dée sur les infra­struc­tures (ter­restres, aériennes, mari­times et flu­viales) plus que sur les usages, alors même que ceux-ci, notam­ment en ville, ont été récem­ment bou­le­ver­sés par des évo­lu­tions tech­no­lo­giques engen­drant des modes de dépla­ce­ment nou­veaux. Tan­dis que la hausse spec­ta­cu­laire des vitesses moyennes s’est tra­duite par une contrac­tion des dis­tances-temps à l’échelle des ter­ri­toires vécus (bas­sins de vie et d’emplois), les réseaux de trans­port sont deve­nus plus com­plexes à une échelle plus micro (celle des grandes conur­ba­tions), lais­sant appa­raître des logiques nou­velles d’intermodalité et répon­dant éga­le­ment à de nou­veaux enjeux envi­ron­ne­men­taux (néces­saire décar­bo­na­tion des mobi­li­tés), sani­taires (zones à faibles émis­sions), éco­no­miques et sociaux (télé­tra­vail, horaires décalés…). 

Mais les auteurs appro­fon­dissent éga­le­ment les concepts liés aux mobi­li­tés en illus­trant leurs pro­pos de nom­breux exemples, ali­men­tés par des études de ter­rain, croi­sant les échelles et en les arti­cu­lant avec dif­fé­rents ter­ri­toires fran­çais et étran­gers. Ain­si, à pro­pos des pro­blé­ma­tiques de l’accessibilité et du désen­cla­ve­ment, mais aus­si du finan­ce­ment des réseaux et de leurs moda­li­tés de ges­tion, sans oublier la néces­saire coor­di­na­tion entre les poli­tiques de trans­ports et la pla­ni­fi­ca­tion ter­ri­to­riale urbaine, les auteurs mobi­lisent des études de cas aux États-Unis, en Suisse, à Shan­ghai ou Rot­ter­dam et, bien sûr, en France, avec le pro­jet gigan­tesque du Grand Paris Express…

Damien Augias