Habiter une ville touristique. Une vue sur la mer pour les précaires
Collectif Droit à la ville Douarnenez
(Éditions du Commun, 2023, 260 pages, 16 euros)
Voici un livre percutant à plusieurs titres. Par son site : Douarnenez, qui se décentre du fait métropolitain et des cas d’études (trop) largement débattus comme Barcelone, Venise ou encore Lisbonne, devenus des laboratoires (globalisés) de la pensée critique sur les impacts du tourisme sur la ville.
Par son approche : engagée socialement, qui met en lien l’histoire de la ville, ses échelles de gouvernances et le processus de renouvellement urbain en cours depuis une trentaine d’années. Et finalement par ses auteurs : ancrés dans le réel, constitués en collectif d’habitants depuis 2018, qui nous offre un travail de recherche-action riche et nous projette au cœur d’une pensée imagée, concrète, objectivée par des trajectoires de vie personnelles.
Cet ouvrage, très plaisant à lire, dynamique dans son écriture, se met à hauteur de la ville du quotidien. Tel un récit politique, entre journalisme, récit de vie et essai de sociologie urbaine, il s’attache à déconstruire les processus de mise en tourisme des villes côtières et la relégation/paupérisation d’une partie importante de la population qui n’arrive plus à se loger sur le territoire.
À travers des entretiens, analyses, focus historiques, le collectif Droit à la ville Douarnenez, questionne l’ambivalence de la ville. Celle d’un territoire statistiquement relativement pauvre, en déprise démographique, qui coche un certain nombre de cases relatives à la dévitalisation, et qui, paradoxalement, porté par un élan associatif, un regain d’animation territoriale et une mise en valeur de son patrimoine maritime, attire.
Au fil des pages, portés par l’analyse sensible du livre, nous nous surprenons à nous attacher aux habitants-urbanistes de celle qui « industrielle et populaire, réputée pour ses mauvaises odeurs de saumure émanant des activités de conserverie, est devenue une marque Douarnenez (Finistère) qui se met en marchandise comme une petite cité de caractère du Sud-Finistère au patrimoine maritime clinquant ».
Entre gentrification, marchandisation de la ville, processus d’éviction et turn-over habitant, la question posée reste en apparence simple : pourquoi est-il de plus en plus compliqué de se loger (et à des loyers abordables) dans une ville qui perd des habitant(e)s ?
Elias Sougrati