Histoire de la rue. De l’Antiquité à nos jours
Danielle Tartakowsky (dir.)
(Tallandier, 2022, 528 pages, 34,90 euros)
La rue est par définition un objet urbain. Et comme tout objet, il a son histoire propre. Une équipe d’historiens s’est attachée à en restituer l’évolution depuis l’Antiquité. Dans la Rome antique, la rue existe, matérialisée par des voies pavées et par des trottoirs. Elle fait déjà l’objet de vives critiques, comme en témoignent les satires du poète Juvénal.
Dès lors, la rue fera l’objet tout à la fois d’aménagements, mais également de contrôle dans la mesure, où, au Moyen Âge, elle apparaît comme un lieu potentiel de désordres. Fêtes religieuses, rituels judiciaires mais aussi politiques, la rue devient le lieu de la codification, notamment par le crieur public, qui ritualise en quelque sorte le spectacle de la rue. On y débat, mais on s’y bat également. Les pouvoirs publics, quelle que soit la forme du régime politique, prendront donc soin de lutter contre tout à la fois les insalubrités générées par la rue, mais aussi le désordre qu’elle ne cesse de charrier.
Durant le « long Moyen Âge de la rue », selon l’expression des auteurs qui couvre, en fait, la France des premiers rois capétiens jusqu’à Louis-Philippe, le pouvoir fera montre d’une grande inventivité pour juguler les embarras de la rue, au sujet desquels on dispose de nombreux témoignages, notamment le célèbre Tableau de Paris, de Louis-Sébastien Mercier, publié à la veille de la Révolution française. Il y décrit déjà les nombreux embouteillages parisiens. Il s’agit d’ailleurs d’un objectif majeur pour les concepteurs de la ville moderne : faire entrer, en quelque sorte, la rue dans une organisation urbaine cohérente et rationalisée.
Si Haussmann a, bien entendu, jeté les bases d’un tel projet à partir de l’exemple de l’espace parisien, nombreux ont été, par la suite, les urbanistes qui s’y sont essayés, à commencer par Le Corbusier. La rue en a‑t-elle pour autant perdu sa signification politique ? Pas vraiment, si l’on en juge par les manifestations qui continuent de s’y dérouler, ainsi que le retour en grand nombre des exclus à même le pavé. Dès lors, c’est l’enjeu multiséculaire du rapport entre la ville et la rue que retrace avec brio, sur deux mille ans, ce livre collectif accompagné d’une solide iconographie.
Thibault Tellier