La Rivière et le Bulldozer

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La Rivière et le Bulldozer

Mat­thieu Duperrex
(Pre­mier Paral­lèle, 2022, 136 pages, 9 euros)

S’extraire du regard anthro­po­cen­tré est un exer­cice dans l’ère du temps. Dans la droite lignée de la nou­velle anthro­po­lo­gie de la nature, qui invite l’observateur aguer­ri à mettre les plantes et les ani­maux à la place de pro­ta­go­nistes, l’ouvrage du phi­lo­sophe et artiste Mat­thieu Duper­rex nous pro­pose de voir avec les yeux d’un galet de rivière.
« Si l’on a beau­coup insis­té sur nos inter­re­la­tions avec les vivants autres qu’humains, l’ordre miné­ral reste le parent pauvre de la des­crip­tion anthro­po­lo­gique et phi­lo­so­phique », explique l’auteur. Il entre­prend dès lors un jeu poé­tique retra­çant le cycle de vie d’une par­ti­cule. Selon l’étape de son par­cours, elle sera tan­tôt roche de mon­tagne, sable d’un del­ta, engrais agri­cole, strate géo­lo­gique ou éner­gie fossile.

Autant de vies reliées par les forces géo­lo­giques et qui donnent son épais­seur au verbe « sédi­men­ter ». Ce même verbe que l’auteur entend « conju­guer à la voix active, à la pre­mière per­sonne », pour en révé­ler les mani­fes­ta­tions concrètes. Exer­cice de l’esprit, à la fois ludique et éru­dit, Mat­thieu Duper­rex offre avant tout un effort de rema­té­ria­li­sa­tion. Pour com­prendre le vaste chan­tier géo­phy­sique de la nature, il faut com­prendre les forces en pré­sence, notam­ment l’eau qui érode, qui trans­porte, qui dépose. On découvre alors ce qu’il y a de trom­peur dans l’expression « se res­sem­bler comme deux gouttes d’eau ». On réa­lise aus­si l’importance des sédi­ments dans l’émergence des civi­li­sa­tions via l’agriculture, la construc­tion, la pro­duc­tion d’énergie…

De plus en plus, et c’est ce que désigne le terme d’anthropocène, l’homme compte par­mi les forces géo­lo­giques en pré­sence. Certes, Homo sapiens a amé­na­gé le sol depuis des mil­liers d’années à son avan­tage, mais le rythme s’accélère. « Entre 1950 et 2010, la consom­ma­tion de sédi­ments a aug­men­té d’environ 2 550 %, notam­ment du fait de la séques­tra­tion des bar­rages, du déve­lop­pe­ment auto­rou­tier et de la pro­duc­tion de char­bon et de béton », rap­pelle l’auteur. Le pro­jet moderne sédi­mente, comme jamais les puis­sances de la nature ne l’ont fait avant. Il ter­rasse, creuse des canaux, élève des tours, drague des rivières… Car « sédi­men­ter fait par­tie de la fabrique conjointe de l’homme et du monde ».

David Attié

 

 

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