La Ville stationnaire. Comment mettre fin à l’étalement urbain ?
Philippe Bihouix, Sophie Jeantet et Clémence De Selva
(Actes Sud, 2022, 352 pages, 23 euros)
Fallait-il à tout prix un qualificatif dans le titre de cet excellent ouvrage qui mérite mieux que d’être rangé entre « frugal » et « circulaire », entre autres ?
Il faut saluer le travail de synthèse et de pédagogie réalisé par les trois auteurs, qui – partant d’un postulat que personne n’oserait aujourd’hui contester, « la croissance des villes est devenue insoutenable » – empruntent le chemin critique de la réorientation, contre l’extension urbaine et pour la valorisation du « déjà-là ».
Un chemin sur lequel ils ne sont pas seuls, mais dont ils défrichent un tracé alternatif : il n’est pas question ici de faire la promotion de la densification des métropoles et agglomérations car « la ville dense n’est pas écologique », pas plus que de s’en remettre aux solutions technicistes – telles les « promesses délétères de la smart city » –, ni aux faux-semblants des certifications environnementales « cache-sexe du business as usual » ; mais plutôt de reconsidérer les potentiels des territoires et des villes, villages, bourgs et hameaux qui les composent, et d’imaginer une nouvelle politique d’aménagement du territoire, la seule susceptible de répondre au double objectif de « construire moins, accueillir mieux ».
Sans que cela n’altère l’intérêt de l’ouvrage, il convient de remarquer ici que les auteurs ont pris quelques chemins buissonniers et fait quelques impasses.
Le court chapitre sur « le monde d’après », est dévolu au concept de résilience, ce qui ne se révèle pas très utile. Il aurait dû, de mon point de vue, être longuement consacré à la caractérisation économique et sociale des besoins en développement urbain : de quoi avons-nous et allons-nous avoir besoin, et combien (surfaces d’activités, logements, etc.) ?
Cette approche manque au moment de la démonstration sur le « où » ce développement urbain devrait se réaliser ; et si le parti des auteurs était que l’offre territoriale doit/devrait conditionner la demande sociale économique (ce qui n’est pas exprimé comme tel), on serait alors en droit de se demander jusqu’à quel point et avec quelles conséquences (démocratiques notamment).
Sur ce point, comme pour le reste de l’ouvrage, les auteurs n’hésitent pas à manifester leurs doutes et interrogations, ce qui donne à La Ville stationnaire la grande qualité de ses petits défauts : une proposition globale et cohérente, offerte au débat.
Julien Meyrignac