L’Attention au vivant
Tatiana Giraud, avec Marie Ameller
(Éditions de l’Observatoire, 2024,192 pages, 19 euros)
Ingénieure agronome et directrice de recherche CNRS à l’université Paris-Saclay, Tatiana Giraud est membre de l’Académie des sciences et professeure invitée de la chaire annuelle Biodiversité et écosystèmes au Collège de France. Alors que les effets du réchauffement climatique sont désormais connus du grand public, la chercheuse souhaite alerter sur les conséquences de l’effondrement de la biodiversité, largement invisibilisée.
Pour en comprendre les mécanismes, elle retrace l’histoire de la biologie, convaincue que sa connaissance à grande échelle constituera le socle d’un vaste programme visant à préserver la biodiversité. La chercheuse retoque d’ailleurs le terme démocratisé et inexact de « services écosystémiques ». Ce changement de paradigme impulsé par l’ancien président du Muséum national d’histoire naturelle, Bruno David, vise à rappeler que la fonction des ressources naturelles n’est pas de servir les besoins de l’homme.
Le maintien de l’espèce humaine est bien évidemment connexe à celle de la biodiversité…, et les chiffres sont vertigineux : 35 % de la production agricole mondiale dépend de la pollinisation, tandis que 75 % de nos médicaments proviennent d’éléments naturels. En termes économiques, le FMI estime les pertes liées à la dégradation de la biodiversité à 5 000 milliards de dollars par an.
Tatiana Giraud nous éclaire de la sorte sur des questionnements aussi évidents que complexes : « Comment naissent (et meurent) les espèces ? », où l’on découvre l’existence de la « spéciation ». Qualifié par Darwin de « mystère des mystères », il s’agit du processus de séparation d’une ligne évolutive en deux espèces. Nous apprendrons ainsi que la formation d’une nouvelle espèce ne peut advenir qu’en raison d’une barrière géographique. Ainsi, les îles constituent de véritables cabinets de curiosité pour les biologistes.
Pour illustrer son propos de manière ludique, la chercheuse consacre même un chapitre aux moisissures de fromage, l’un de ses sujets d’études depuis dix ans. Malgré deux premiers chapitres généralistes plutôt redondants sur l’état général de notre société, cet ouvrage vulgarise avec un ton décalé les grandes avancées de la biologie, et constitue un plaidoyer pour la préservation du vivant.
Maider Darricau