Le Futur des métropoles, Temps et infrastructure
Nathalie Roseau
(MétisPresses, 2022, 256 pages, 32 euros)
Sur un sujet classique de l’urbanisme, le lien entre les infrastructures et le développement urbain, Nathalie Roseau offre un ouvrage original et subtil. Son livre repose sur trois études de cas à New York, Paris et Hong Kong. À New York, c’est l’aventure du parkway qui est relatée. Il s’agit initialement de relier le nouveau parc de Brooklyn ouvert en 1867 par des voies larges et arborées. Frederick Law Olmsted propose à la fin du XIXe siècle de planifier le développement des villes à partir des parcs et des voies qui les relient. Entre les années 1930 et 1960, ce même vocable sera principalement utilisé, notamment par Robert Moses, pour déployer le réseau autoroutier. À Paris, ce sont les aventures du périphérique et de l’aéroport de Roissy, inaugurés à quelques mois d’écart en 1973 et 1974 qui constituent le fil du récit.
À Hong Kong, l’aéroport de Chek Lap Kok constitue le cœur de l’analyse. Inauguré quelques mois après la rétrocession de la ville à la République populaire de Chine en 1998, il a été conçu comme le haut-lieu de cette métropole particulière. Or, celui-ci devient, peu à peu, l’un des maillons aéroportuaires de cette immense mégalopole du delta la rivière des Perles avec Shenzhen, Guangzhou et Macao. Dans chacune des villes, les retournements des jugements et valeurs portés sur les installations sont très rapides.
Ces trois études de cas ne sont pas présentées de la même manière afin de « faire respirer le terrain ». Dans chacun, Nathalie Roseau s’attache à décrire les horizons d’attente et les projections diverses que les concepteurs, décideurs ou citoyens ont investi dans ces infrastructures, qui ne sont pas qu’un legs matériel, mais aussi des palimpsestes d’imaginaires. Issu d’une habilitation à diriger des recherches, le texte est exigeant mais servi par une écriture limpide. L’ouvrage est très richement illustré. Beaucoup de plans ou images sont difficiles à lire en raison du format du livre. Peut-on rêver à un prolongement numérique de ce type d’ouvrage pour que le lecteur puisse analyser plus confortablement les images rassemblées ?
À rebours d’une lecture simpliste de la modernité qui n’aurait été qu’éblouie par le futur, Nathalie Roseau, en historicisant les projections du futur, donne à voir les diversités d’attentes et d’espoirs dont ces infrastructures ont été le réceptacle et le vecteur. À l’heure du changement climatique et du retour de discours catégoriques sur les infrastructures et leurs effets, l’historienne instille utilement la nuance et le doute.
Xavier Desjardins