Le Grand Contournement
Alexis Anne-Braun
(Fayard, 2022, 224 pages, 19 euros)
Le décor : les grandes plaines alsaciennes du village de Kolbsheim à une vingtaine de kilomètres de Strasbourg. Les protagonistes : Héloïse, une châtelaine lasse de sa vie hors du temps ; un groupe de militants chevronnés et sa cheffe, Magali. Le projet : la construction d’une autoroute par Vinci. Son nom : le Grand Contournement Ouest.
Pour son second roman, Alexis Anne-Braun s’inspire d’un fait réel (l’autoroute a été réalisée en 2021) pour conter les aventures de ce quatuor désolé de sa défaite politique. Car l’auteur ne fait pas durer le suspense, et là n’est pas l’intérêt de ce récit. La zone d’aménagement différée (ZAD) du Moulin a perdu son combat : dans 48 heures, elle sera évacuée. Alors que les centaines de personnes ont quitté les pelouses du château, les indéboulonnables nostalgiques profitent de ces dernières heures ensemble, avant un inévitable retour dans la société ultralibérale, objet de leur premier combat.
Alexis Anne-Braun déroule le fil de ces nouvelles amitiés construites autour d’une cause commune, entre celles et ceux qui ne se regardaient pas jusqu’alors, se méprisaient tout au plus. Au cœur des pensées intimes des personnages, le lecteur pourra autant se moquer de cette jeunesse que se prendre d’affection pour celle « qui se plaît à être ingouvernable », comme la décrit la châtelaine Héloïse, elle-même emportée par le vent de révolte qui souffle sur ce territoire qu’elle chérit tant. « Magali comprit qu’Héloïse ne demandait pas autre chose et que peut-être elle ne les avait accueillis ici, tous ces écorchés et arrachés, que pour mieux le sentir et le comprendre : ce que le monde fait aux faibles, ce que les riches font aux pauvres, ce que l’homme fait à la nature. » La ZAD du Moulin, c’est avant tout la rencontre fortuite d’individus aux histoires banales, leurs souvenirs de lutte sur cette plaine d’Alsace, qui sera bientôt bétonnée.
Des références de Notre-Dame-des-Landes, où a vécu Magali, à celles des violences policières, Alexis Anne-Braun tente d’incorporer à ce récit une dimension politique, qui aurait mérité d’être un peu plus explicite. Un récit cocasse – qui peut verser autant dans le débat philosophique que dans des histoires d’animalerie de centre commercial – d’une plaisante simplicité.
Maider Darricau