Denis Cos­nard
(Pari­gramme, 2022, 128 pages, 19,90 euros)

Georges Per­ec
(Seuil, La librai­rie du XXI^e siècle, 2022, 608 pages, 33 euros)

En 1969, Georges Per­ec se lance dans une nou­velle aven­ture édi­to­riale. Il choi­sit douze lieux dans Paris (des places, des pas­sages, des lieux où il a vécu) et décide de consa­crer à cha­cun d’entre eux deux textes par an durant douze ans. Le pre­mier sera le fruit d’une obser­va­tion in situ qua­si eth­no­lo­gique (avec par­fois des ajouts de pho­tos, des pros­pec­tus trou­vés sur place). Le second sera rédi­gé à par­tir des sou­ve­nirs que lui ins­pire le lieu en ques­tion. Les textes sont ensuite scel­lés dans de grandes enve­loppes qui res­te­ront, pour cer­tains d’entre eux, inédits jusqu’à leur publi­ca­tion inté­grale en 2022 grâce à un tra­vail minu­tieux d’édition qu’il faut ici saluer.

L’expérience devait au final avoir pro­duit 288 textes met­tant en évi­dence, selon lui, « la trace d’un triple vieillis­se­ment : celui des lieux eux-mêmes, celui de mes sou­ve­nirs, et celui de mon écri­ture ». Per­ec se détour­ne­ra tou­te­fois pro­gres­si­ve­ment de cette vaste entre­prise et y met­tra un terme défi­ni­tif en 1975, soit sept ans avant sa dis­pa­ri­tion. Si l’opération a pu appa­raître comme un échec du fait de son carac­tère inache­vé, il n’en reste pas moins que la publi­ca­tion consti­tue une contri­bu­tion impor­tante à la connais­sance de la ville en géné­ral et de Paris en particulier.

L’observation fine de Georges Per­ec donne à voir une ville en pleine tran­si­tion à la fin des Trente Glo­rieuses. Le tout s’apparente à une forme d’archéologie urbaine propre à la ville de la seconde par­tie du XX^e siècle. On retien­dra notam­ment le trai­te­ment de la rue Vilin, qui fut le lieu de sa pre­mière enfance avant qu’une par­tie de sa famille ne dis­pa­raisse dans les camps d’extermination et avant que la rue elle-même ne soit rayée de la carte pari­sienne sous les coups de butoir de la réno­va­tion urbaine.

Si la lec­ture de l’ensemble peut par­fois paraître aride, on se repor­te­ra au livre de Denis Cos­nard qui per­met, avec pré­ci­sion et éru­di­tion, de se retrou­ver dans le Paris de Per­ec grâce à un che­mi­ne­ment en six étapes qui sont éga­le­ment celles de la vie de Georges Per­ec. L’attention por­tée à l’iconographie consti­tue aus­si un atout pré­cieux pour qui veut réel­le­ment décou­vrir le lien intime que ce der­nier a entre­te­nu tout au long de sa vie avec Paris.

Thi­bault Tellier