Sylvain Desclous
[The Jokers, actuellement en salle]

Éric Reinhardt n’est jamais loin des sujets urbanistiques, à l’exemple de l’interview qu’il nous avait donnée dans le n° 438 (juillet-août 2024) où il évoquait ses écrits sur le quartier du Chêne-Pointu, à Clichy-sous-Bois, et dans lequel il a vécu enfant. Aujourd’hui, Le Système Victoria, l’un de ses romans les plus populaires, fait l’objet d’une adaptation cinématographique par Sylvain Desclous. Là aussi, il est question de ville et de construction puisque le héros, David (Damien Bonnard), est le directeur de travaux d’une nouvelle tour de La Défense. Architecte frustré, papa divorcé, il se rend chaque matin sur le chantier au volant de sa Saab de 1990 (« la voiture préférée des architectes », selon lui) pour réaliser une tâche ingrate sur un édifice dont personne ne veut, sinon son promoteur, Monsieur Garrel.

Comme souvent dans la construction, le chantier est en retard à cause des intempéries, mais Garrel n’en a cure et met la pression sur David, sans oublier de lui manquer de respect. Mais sa vie va prendre un tournant inattendu lorsqu’il rencontre, dans un banal centre commercial, une femme aussi mystérieuse que séduisante, Victoria (Jeanne Balibar), qui va lui faire du rentre-dedans. De nature passive, David se laisse embarquer dans une relation épisodique et apprend peu à peu à connaître cette femme de pouvoir, directrice des ressources humaines d’une multinationale, qui voyage de par le monde et parle couramment plusieurs langues, dont le mandarin. Au contact de cet être totalement libre de ses faits et gestes, il va goûter au luxe et à la luxure et, surtout, apprendre les codes du « système Victoria », à savoir les règles du business – qui s’apparentent assez clairement à la loi de la jungle.

Dans l’intervalle, les soucis sur le chantier se multiplient, de mystérieux Koweïtiens proposent de l’argent à David pour faire traîner les travaux, et Garrel est toujours plus irascible. Mais en prenant exemple sur Victoria, qui lui a décidément redonné le mojo, notre héros va parvenir à se faire respecter, en imposant ses conditions, en parlant mal aux gens et en négligeant sa fille de 10 ans. Est-ce le prix à payer pour finir sa satanée tour de bureaux ? Et, finalement, quel intérêt Victoria a‑t-elle à fréquenter un type aussi banal que lui ?

Rodolphe Casso