C. W. Winter, Anders Edström
Capricci Films, actuellement en salles
Nous devons avertir le lecteur : ce film expérimental du Californien C. W. Winter et du Suédois Anders Edström, Ours d’or du meilleur film en 2020 dans la catégorie Encounters, ne dure pas moins de 480 minutes… soit 8 heures. Si vous êtes toujours avec nous, sachez qu’il a été divisé en trois grandes parties afin de rendre l’expérience (et c’en est bien une !) plus digeste en salle. Venons-en maintenant aux faits.
Cultivant une ambiguïté entre documentaire et fiction, Les Travaux et les Jours est une chronique au fil des saisons du quotidien d’une agricultrice, Tayoko Shiojiri, dans un village des montagnes de la région de Kyoto. Le film, qui ne cache pas son inclination pour la géographie, décrit dans les moindres détails la vie d’une femme et d’une famille ancrées en profondeur dans leur environnement naturel et social. « Il était […] important pour nous que sa vie […] soit perçue par le spectateur comme simplement une vie, n’importe quelle vie, extraordinairement et merveilleusement ordinaire », précise le coréalisateur C. W. Winter. Avec, au centre de cette existence, le travail de la terre : « L’agriculture est la condition de notre survie. C’est un socle de l’humanité qui remonte à plus de 11 000 ans. »
Toutes les activités humaines sont montrées : culture des champs, mariages, funérailles, plaisanteries dans un bar, conversations à l’heure du repas… Extraordinairement contemplatif, Les Travaux et les Jours présente à intervalles réguliers, entre ces tranches d’existence, de longs plans fixes permettant à nos oreilles de s’ouvrir aux sons de la nature. Le vent, les oiseaux, un chien qui aboie…
Certes, il faut disposer de beaucoup de temps pour voir ce très, très long métrage. Mais c’est justement notre rapport au temps qui est ici questionné en profondeur. Et le film de nous renvoyer à cette citation de Virgile : « La première règle en agriculture est de ne pas chercher la facilité. La terre exige des efforts. » L’art, souvent plus consommé que vécu, peut lui aussi réclamer un engagement. C. W. Winter ajoute : « Notre désir est que ce film soit une expérience cinématographique prolongée. Un film qu’on puisse habiter, d’une certaine manière, le temps d’une journée. » À vous d’oser ce voyage au royaume de la normalité, de l’anodin et de la lenteur.