Claus Drexel
New Story, actuellement en salle
Au 1er janvier 2023, 21,3 % des habitants en France étaient âgés de 65 ans ou plus, selon l’Insee, dont 30 000 centenaires. Le scénariste et réalisateur allemand Claus Drexel est parti à la rencontre de ces « vieux », souvent isolés et peu visibles médiatiquement. En parcourant la France, il a recueilli les témoignages de près de 40 personnes de 80 à 102 ans. « J’ai eu envie d’écouter ces personnes âgées que notre société occidentale, centrée sur le productivisme et le profit, ne considère souvent plus que comme un problème. Pourtant, ces gens ont une expérience de vie bien plus grande que la nôtre ; ils représentent une richesse énorme, mais, en dehors des relations que l’on a avec les membres de nos familles, on ne les entend pas. »
Pour les dénicher, Claus Drexel et son équipe ont compté sur une recette ancestrale, le bouche-à-oreille. Des mineurs d’Alsace ou du nord de la France au baron d’Aligny, les profils sociaux sont variés, mais les discussions se ressemblent. Tous sont nés avant la Seconde Guerre mondiale, et évoquent ce morceau d’histoire qui a profondément marqué leur jeunesse de souvenirs traumatiques ou joyeux.
Afin de garder un maximum de spontanéité dans les échanges, le réalisateur s’attache à en connaître le moins possible sur ses interviewés, et ne prépare pas ses questions. Le résultat est bluffant. La plupart livrent leurs sentiments et souvenirs intimes à ce quasi-inconnu. « Certains spectateurs ont d’ailleurs été étonnés d’entendre leurs parents ou leurs grands-parents évoquer des évènements ou formuler des réflexions dont ils n’avaient aucune idée. »
La mort est omniprésente dans les discussions. Elle se cache dans les cadres photos qui rappellent le bon souvenir d’une épouse ou d’une sœur disparue et dans les appareils médicaux qui encombrent l’espace. Elle est source d’angoisse pour Roland, qui s’est offert Suicide mode d’emploi, ou d’appréhension pour ce couple alsacien, qui s’inquiète de son interdépendance, conscient de la soudaineté des choses. D’autres sont plus pragmatiques, à l’instar de Denise qui a l’intention, depuis sa vingtaine, de léguer son corps à la science… et nous incite à suivre le même chemin.
Enfin, il y a cette conclusion magistrale, et le témoignage d’Andja, cette universitaire qui a échappé à la Shoah. À presque 100 ans, elle rêve de transposer son cerveau sur un corps fringant, et attendra la mort « en hurlant ».
Maider Darricau