Un film de Thomas Paulot
Rezo Films
C’est une bien étrange expérience à laquelle s’est livré le réalisateur Thomas Paulot, avec son acteur Laurent Papot. À l’occasion des élections municipales de 2020, tous deux débarquent par temps brumeux et humide à Revin, petite ville des Ardennes traversée par la Meuse.
Leur projet est de parvenir à inscrire Papot, comédien parisien parfaitement inconnu des locaux, sur les listes des municipales pour le faire élire maire. S’il y parvenait, l’acteur quitterait aussitôt son siège d’élu pour rendre le pouvoir aux habitants.
Étonnamment, ce dessein un brin fantasque, dévoilé en toute transparence aux Revinois, n’est pas vu d’un si mauvais œil. Laurent Papot et la caméra qui le suit sont d’abord perçus comme une curiosité. Mais, très vite, certains villageois jusqu’alors désinvestis de la politique se prennent au jeu. Après tout, qu’ont-ils à perdre que de tenter, pour une fois, quelque chose de nouveau dans l’exercice essoré des élections ?
D’emblée, l’acteur-candidat investit un bar abandonné, Le Celtic, pour en faire son QG de campagne. Là, il organise des rencontres, anime des débats et, soudain, le lieu reprend vie – et c’est déjà une petite victoire.
Plus concrètement, Papot doit mettre la main sous le capot : imprimer affiches et tracts, faire du porte-à-porte mais, surtout, trouver suffisamment de colistiers pour être autorisé à se présenter officiellement. Dans son sillage, il entraîne une petite troupe composée d’une ancienne prof, d’une jeune fille au chômage, mais surtout d’un ex-candidat à la mairie et d’un « gilet jaune » gouailleur qui vont lui servir de guides.
Laurent Papot va vite comprendre les enjeux de Revin, ville de 6 500 habitants traumatisée par la désindustrialisation. Posée au pied du mont Malgré-Tout (ça ne s’invente pas) et dotée d’un bar dénommé Le Terminus, elle affiche un taux de pauvreté de 27 %. Dans le film, on aperçoit même une bande de « gilets jaunes » faisant la farandole autour du feu en chantant Capitaine abandonné… Un champ sémantique qui en dit long sur l’état de la commune. Et comme si cela ne suffisait pas, on apprend que la main‑d’œuvre des usines délocalisées en Pologne a été formée… par les gens de Revin. Ce qui s’appelle boire la coupe jusqu’à la lie.
Dans ce contexte, l’improbable candidature de Papot renoue un débat démocratique distendu, recrée du lien, ravive la flamme de certains résignés. De plus en plus investi, le comédien semble même – par instants – y croire vraiment. Reste que la course aux colistiers est loin d’être gagnée et que la présence du Parisien commence à en agacer plus d’un. Jusqu’où ira l’expérience ?